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s’avançaient les échevins de Paris, ayant à leur tête Étienne Marcel, prévôt des marchands. Ce bourgeois obscur, sorti de sa boutique de drapier pour devenir l’un des plus illustres citoyens de la Gaule, atteignait alors la pleine maturité de l’âge ; sa taille, moyenne mais robuste, s’était un peu voûtée par suite des fatigues, car sa prodigieuse activité d’homme d’action et de pensée ne lui laissait aucun repos. Sa figure ouverte et mâle, fortement caractérisée, se terminait par une épaisse touffe de barbe brune ; mais ses joues et ses lèvres étaient rasées. Les agitations fiévreuses et son incessante préoccupation des affaires publiques avaient dégarni le front de Marcel, creusé ses traits, sans altérer en rien cette auguste sérénité qu’une conscience irréprochable donne à la physionomie de l’homme de bien. Rien de plus doux, de plus affectueux, que son sourire, lorsqu’il était sous l’impression des sentiments délicats et tendres, si familiers à son cœur ; rien de plus imposant que son attitude, de plus redoutable que son regard, lorsque Marcel, aussi puissant orateur que grand citoyen, tonnait, avec l’indignation d’une âme honnête et courageuse, contre les lâchetés, les trahisons et les crimes de la noblesse féodale et de la royauté despotique ! Le prévôt des marchands portait le chaperon rouge et bleu et l’agrafe à devise de ralliement ainsi que les échevins dont il était accompagné.

Fils de Joel, gardez en souvenir et honorez les noms de ces échevins ; car, sauf un traître (Jean Maillart), ils furent, comme Marcel, martyrs de la liberté. Ils se nommaient : Delille, — Philippe Giffart, — Simon-le-Paonnier, — Jean Sorel, — Consac, — Josserand, — Pierre Caillart, — Jean Godard, — Pierre Puisier, et Jean Maillart. Ce dernier prêtait souvent son bras à Marcel, qui, fatigué de cette longue marche à travers les rues de Paris, acceptait cordialement l’appui de l’un de ses plus vieux amis ; car, depuis son enfance, il vivait dans une étroite intimité avec Maillart. Celui-ci, sans manifester ouvertement les ressentiments d’envie et de jalousie que lui inspirait la gloire du prévôt des marchands, ne put cependant