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Pot. — Quoi ! vous osez soutenir que Marcel n’est pas le premier des citoyens ! lui, l’ami, le père du peuple !

— Oui, oui, — répondit la foule, — Marcel est notre sauveur ; sans lui, Paris était pris et ravagé par les Anglais.

— Marcel, — reprit Rufin-Brise-Pot avec un enthousiasme croissant, — lui qui a rétabli l’économie dans les finances, l’ordre et la sécurité dans la cité : ventre du pape ! j’en sais quelque chose ! En voulez-vous un exemple ? Il y a quinze jours, vers les minuit, je tapageais, en compagnie de mon ami Nicolas-Poire-Molle, à la porte d’une honnête maison de la rue Trace-Pute ; la dame du lieu, Jeanne-la-Bocacharde, refusait de nous recevoir, prétendant que Margot-la-Savourée et Audruche-la-Bernée n’étaient point au logis. À cette réponse, moi et mon ami Poire-Molle nous avons failli enfoncer la porte ; mais à ce moment passait une ronde d’arbalétriers institués par Marcel pour maintenir la police dans les rues, et ils nous ont arrêtés, puis fourrés, moi et mon Nicolas-Poire-Molle, à la prison du Châtelet, malgré nos priviléges d’écoliers de l’Université de Paris !… Dites maintenant que Marcel ne maintient pas l’ordre dans la cité !

— Il se peut, — reprit l’homme au chaperon fourré ; — mais tout autre échevin eût agi pareillement ; et maître Jean Maillart, par exemple, aurait…

— Jean Maillart ! — s’écria Brise-Pot. — Ventre du pape ! si lui ou tout autre, ou le roi lui-même, avait osé attenter aux franchises de l’Université, les écoliers, soulevés en masse, seraient descendus en armes de leur quartier Saint-Germain, et il y aurait eu bataille dans Paris. Mais ce que l’on permet à Marcel, parce qu’il est, à bon droit, l’idole des Parisiens, on ne le permettrait à nul autre.

— L’écolier a raison, — s’écria-t-on dans la foule ; — Marcel est notre idole, parce qu’il est juste, parce qu’il prend l’intérêt des bourgeois contre les courtisans, des petits contre les grands.

— Sans l’activité de Marcel, sans son courage, sa prévoyance,