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dû aux premières insurrections communales, ces bourgeois, quoiqu’en minorité, ces bourgeois, représentants des Gaulois vaincus et asservis depuis des siècles, avaient voix et place à l’assemblée nationale à côté des seigneurs et des évêques, représentant la conquête !

Dites, fils de Joel, quels progrès immenses accomplis depuis ces temps maudits où les rois franks et leurs leudes se réunissaient seuls dans leurs champs de mai pour délibérer, dans leur langage germanique, sur l’horrible servitude qu’ils nous imposaient à nous, peuple vaincu ? Et ces pas vers un avenir meilleur encore, ces pas, ainsi que le disait notre aïeul Fergan, ont été lentement, laborieusement tracés d’âge en âge par nos pères, toujours persévérants, toujours en lutte, toujours en armes contre les prêtres, les nobles ou les rois, s’arrêtant parfois pour reprendre haleine ou panser leurs glorieuses blessures, mais ne reculant jamais. Oh ! de ces exemples, qu’il vous souvienne, fils de Joel !

Donc, le progrès était immense ; mais la bourgeoisie, en minorité dans les États-généraux, ne pouvait jamais faire prévaloir sa volonté. Étienne Marcel-le-Drapier, prévôt des marchands, l’un des plus grands hommes qui aient illustré la Gaule, sut faire rendre à la bourgeoisie sa légitime prépondérance dans les États-généraux ; en deux mots, voici les faits : l’an passé (1355) le roi Jean voit son trésor vidé par sa ruineuse prodigalité, la Gaule est en feu, la guerre partout, le roi d’Angleterre, maître d’une partie de notre pays, prétend le conquérir entièrement ; Charles-le-Mauvais, roi de Navarre, à qui Jean a donné sa fille en mariage, revendique à main armée plusieurs provinces pour la dot de sa femme ; dans cette situation désespérée le roi Jean convoque les États-généraux afin d’obtenir de leurs députés des levées d’hommes et de l’argent ; l’archevêque de Rouen, chancelier du roi, expose ses demandes avec hauteur ; mais cet impérieux chancelier comptait sans Étienne Marcel. Ce grand citoyen envoyé aux États-généraux par la ville de Paris, las et indigné de voir la noblesse et le clergé étouffer, sous leur nombre, la voix