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blées nationales, ou états-généraux, composées de prélats, de seigneurs et de bourgeois, députés des communes ; car de nos jours, beau sire, il faut absolument compter avec la bourgeoisie, qui a fini par s’émanciper. À cette assemblée nationale, exposez gentiment, doucement, honnêtement, vos besoins, et vous avez grand’chance de voir remplir vos coffres. » L’avis était sage ; Philippe-le Bel le suivit. De sorte que, pour la première fois depuis neuf siècles, et grâce aux héroïques insurrections communales, les bourgeois, ces plébéiens représentant le peuple vaincu, la race gauloise asservie, prirent place à l’assemblée nationale à côté des seigneurs, représentant la conquête, et des évêques, leurs éternels complices. Ces États-généraux assemblés, le roi, se faisant humble, petit, pauvret et bon prince, obtint d’eux les levées d’hommes et des subsides dont il avait besoin. Depuis lors, ses descendants, tous cupides, prodigues ou besoigneux s’il en fut, convoquaient l’assemblée nationale lorsqu’ils voulaient établir de nouvelles taxes ou faire des levées d’hommes ; à ces assemblées, les bourgeois députés des communes se rendaient toujours avec défiance ; car la royauté ne les convoquait jamais que pour exiger d’eux l’or et le sang de la Gaule. Exiger, c’est le mot ; car en vain les députés bourgeois refusaient les levées d’hommes et l’argent qui leur paraissaient injustement demandés, ces refus étaient nuls : voici pourquoi. Les États-généraux se composaient de trois états : la noblesse, — le clergé, — la bourgeoisie, chaque ordre étant représenté par un nombre égal de députés. Or, la bourgeoisie se trouvait seule de son avis contre la noblesse et le clergé, toujours fort empressés de satisfaire aux désirs de la royauté à l’endroit des impôts. La raison en était simple : les prélats et les seigneurs, exemptés de taxes en vertu des priviléges de leur noblesse ou de leur prêtrise, recevant, grâce aux prodigalités royales, une grosse part des impôts, ils les consentaient à cœur-joie, puisqu’ils en profitaient et que le poids écrasant de ces taxes retombait tout entier sur la bourgeoisie et sur le populaire. Ceci était très-fâcheux ; mais enfin, progrès immense,