Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/73

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donc caché jusqu’au jour de la vengeance, et ce jour venu… compte sur moi, sur Adam et sur tant d’autres.

— Mais le signal, auquel les gens des villes et des campagnes doivent se soulever, — dit Adam-le-Diable, — ce signal, qui le donnera ?

— Paris, — répondit Mahiet. — Avant peu je vous ferai tenir ou je vous apporterai de l’argent pour acheter des armes ; mais n’éveillez pas les soupçons des seigneurs ; achetez les armes une à une, à la ville… les jours de foire… et cachez-les chez vous. Si vous connaissez des forgerons de qui vous soyez sûrs, faites-leur façonner des piques… l’argent des villes vous donnera du fer… et le fer, vengeance et liberté pour tous.

Soudain un hennissement prolongé retentit derrière la porte. — C’est Phœbus, mon cheval, — s’écria Mahiet frappé d’une joyeuse surprise ; — je l’avais attaché près du lieu du tournoi ; lassé de m’attendre, il aura brisé son licou et retrouvé le chemin de cette auberge, où il n’est pourtant venu qu’une fois… Brave Phœbus, — ajouta l’Avocat en allant vers la porte, — ce n’est pas la première preuve d’intelligence qu’il me donne. — À peine Mahiet eut-il ouvert la partie supérieure de l’huis que la tête de Phœbus y parut ; il fit entendre un nouveau hennissement et lécha les mains de son maître qui lui dit :

— Allons, mon bon compagnon, une provende d’avoine, et en route !

— Quoi ! messire, vous partez cette nuit, — dit Alison-la-Vengroigneuse en essuyant ses larmes qui n’avaient cessé de couler depuis le retour de Mazurec, — vous partez malgré la nuit et la pluie ?

— Le messager royal a apporté des nouvelles qui hâtent mon retour à Paris, ma belle hôtesse… mais au revoir ; j’espère bientôt revenir à Nointel.

— Avant de nous quitter, messire Avocat, — reprit Alison en fouillant à sa poche, — prenez ces trois florins d’argent, je vous les dois pour le gain de mon procès…