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de sa monture, jette son bâton, ramasse d’une main une poignée de sable et, d’un bond vigoureux, s’élance en croupe de Gérard de Chaumontel pendant que celui-ci cherche à reprendre son équilibre ; puis, se cramponnant d’une main au cou du chevalier, le vassal le renverse à demi en arrière et, de son autre main, il lui frotte les yeux avec le sable qu’il vient de ramasser… À cette cuisante douleur, le noble larron, presque aveuglé, pousse un cri, abandonne sa lance et les rênes de son cheval afin de porter ses mains à ses yeux. Mazurec l’enlace alors de ses deux bras, parvient à le désarçonner et à le faire choir de sa monture d’où ils tombent tous deux en roulant dans l’arène. La foule, croyant le serf vainqueur du chevalier, bat des mains, trépigne de joie en criant : — Victoire au bonnet de laine !…

Gérard de Chaumontel, quoique aveuglé par le sable et étourdi par sa chute, trouve de nouvelles forces dans la rage de se voir désarçonné par un manant et reprend facilement l’avantage ; car, dans cette lutte inégale contre cet homme couvert de fer, les étreintes de Mazurec sont vaines ; ses ongles s’émoussent sur le poli de l’armure de son adversaire, et celui-ci, parvenant à mettre le vassal sous ses deux genoux, lui martèle la tête sous les coups redoublés de son gantelet de fer. Mazurec, le visage meurtri, ensanglanté, prononce une dernière fois le nom d’Aveline et reste sans mouvement. Gérard de Chaumontel, dont la vue s’éclaircit peu à peu, non content d’avoir presque écrasé la figure du vassal, tire son poignard pour achever sa victime ; mais, après un moment de réflexion et par un raffinement de cruauté, il remet sa dague à sa ceinture, se dresse debout et appuyant son pied de fer sur la poitrine haletante de Mazurec, il s’écrie :

— Que ce vil imposteur soit lié dans un sac et jeté à la rivière comme il le mérite, c’est la loi du duel.

Et Gérard de Chaumontel alla rejoindre ses parrains en se frottant les yeux, tandis que les sergents d’armes vinrent enlever le corps du vassal pour le porter sur le pont d’une rivière voisine de l’amphithéâtre. Le curé de Nointel suivit le condamné, afin de lui donner les