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tâcher de le voir : attendez-moi ici, belle hôtesse, et ne vous désespérez pas.

Mahiet, ce disant, se dirigea vers le parvis de l’église en suivant la foule qui s’y rendait.




L’église de Nointel s’élevait à l’extrémité d’une place assez vaste où aboutissaient deux rues tortueuses ; les maisons, généralement construites de bois souvent sculpté avec art, avaient une toiture d’ardoises, aiguë et d’une inclinaison rapide ; quelques-unes de ces demeures étaient ornées de balcons où se pressaient de nombreux spectateurs. Mahiet, grâce à sa carrure athlétique, parvint, sans trop de peine, aux abords du parvis, où se trouvait déjà, en compagnie de plusieurs chevaliers, le seigneur de Nointel, grand jeune homme d’une figure hautaine et railleuse, et dont les cheveux d’un blond ardent étaient frisés comme ceux d’une femme ; il portait, selon la mode de ce temps-ci, une courte tunique de velours richement brodée et des chausses de soie de deux couleurs. Le côté gauche de ces vêtements était rouge, l’autre jaune ; ses souliers de cordouan à la poulaine se terminaient par une sorte de corne dorée semblable à celle d’un bélier ; à son chaperon de velours mi-partie jaune et rouge, orné d’une chaîne de pierreries, flottait une touffe de plumes d’autruche, parure d’un prix exorbitant. Les amis du sire de Nointel étaient vêtus, comme lui, d’habits de couleurs tranchées. Derrière cette brillante compagnie se tenaient les pages et les écuyers du seigneur portant ses couleurs. L’un d’eux portait sa bannière armoriée de trois serres d’aigle d’or sur un fond rouge. À la vue de ce blason particulier à la famille des Neroweg, Mahiet tressaillit de surprise et devint profondément pensif. Il fut tiré de sa rêverie par la voix glapissante d’un notaire royal qui, s’avançant jusqu’aux limites du parvis, cria par trois fois : « Silence, » et lut ce qui suit au milieu de l’attention de la foule :

« Ceci est la charte et le statut du droit de prémices, que le sei-