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aultres du conseil du roy eussent voulu accueillir tous ceulx qui venoient au service du roy, qu’ils eussent peu (pu) légièrement (facilement) recouvrer tout ce que les Anglois tenoient dans le royaulme de France ; et n’osoit en parler, pour cette heure, contre le dit sire de la Trimoïlle, combien (malgré que) chacun véoit (voyait) clèrement que la faulte venoit de lui… Et disoit on qu’il avoit fort entreprins (dominé) le gouvernement du roy et du royaulme de France, et pour celle cause grant question et débat s’esmeult (s’éleva) entre ycellui sire de la Trimoïlle et le comte de Richemont, connestable de France ; ycellui avoit bien en sa compaignie douze cents combattants, il fallut qu’il s’en retournast avec eux, et aussy (ainsi) firent plusieurs aultres seigneurs et capitaines desquels le sire de la Trimoïlle se doubtoit (se défiait), dont ce fut là grant dommage pour le roy et son royaulme. » (Chronique de Jean Chartier, manuscrit n°8350 de la Bibliot. nationale ; ap. J. Quicherat, t. IV, p. 70-71.)

Le patriotisme de Jeanne Darc est d’autant plus admirable qu’elle n’ignorait pas les exécrables machinations tramées autour d’elle, et par deux fois, ainsi que vous le verrez, chers lecteurs, elle fut sur le point d’abandonner à ses destinées Charles VII, ce misérable roi dont la crasse insouciance et la lâcheté indignaient la grande âme de la guerrière ; mais, guidée par son excellent bon sens, elle comprenait qu’à cette époque le roi c’était la France, et, abreuvée de dégoûts, entourée d’ennemis déclarés ou cachés, tremblant, à chaque pas de la voie glorieuse qu’elle poursuivait, de tomber dans un piége ténébreux, l’héroïne plébéienne accomplit sa tâche avec un invincible dévouement au pays, jusqu’au jour où, trahie devant Compiègne, elle fut livrée aux Anglais. Les preuves, les causes de cette abominable trahison, les voici ; elles sont claires et nettes :

« Ladite Pucelle fut trahie et baillée aux Anglais devant Compiègne par félonie. » (Thomassin, Registre delphinal, c. XIII.)

«… Jehanne fut prinse (prise), et ce firent faire par envie les capitaines de France, pource que, si aucuns faictz d’armesse faisoyent, la renommée disoit par tout le monde que la Pucelle les avoit faictz. » (Chronique de Normandie, c. y.)

«… Ladite Pucelle ung bien matin, fist dire messe à Saint-Jacques puis se retira près d’ung des pilliers de l’église, et dit à plusieurs bonnes gens de la ville de Compiègne qui étoient là (et il y avoit cent ou six-vingts petits enfants qui moult (beaucoup) desiroyent à la voir) : Mes amis, je vous signifie que l’on m’a vendue et trahie, et que de brief, je serai mise à mort… » (Mirouër des femmes vertueuses. Ap. J. Quicherat, t. IV, p. 272.)

«… Il fut dit à la Pucelle par ses voix qu’elle seroit prise… et le lui dirent par plusieurs fois, et comme tous les jours, mais ne