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est jolie ? « Il n’en est pas de plus jolie dans vos domaines, monseigneur, » répond le bailli. Mais tout-à-coup, Mazurec, avisant l’un des chevaliers de la suite du sire de Nointel, s’écrie : « Voilà celui qui m’a volé ma bourse, il y a une heure. — Misérable serf, — répond le seigneur, — oser accuser de vol un de mes hôtes ! »

— Et, sans doute, le chevalier larron nia effrontément son larcin.

— Oui, messire. Mazurec, de son côté, soutenait son dire ; aussi le seigneur, après s’être entretenu à voix basse avec son bailli et le chevalier accusé de vol, a rendu l’arrêt suivant. Écoutez-le, messire avocat, et, comme moi, vous serez indigné. « L’un de mes écuyers, — dit le seigneur de Nointel, — va partir à l’instant, escorté de quelques hommes, il ramènera ici la nouvelle mariée ; je passerai, selon mon droit, la nuit avec elle, et demain matin, elle sera rendue à ce vassal. Quant à l’accusation de vol qu’il a l’audace de porter contre un noble chevalier, celui-ci demande la preuve des armes, et si ce vil manant, quoique vaincu, survit au combat, il sera mis en sac et jeté à la rivière comme diffamateur d’un chevalier. »

— Ah ! le malheureux est perdu, — s’écria Mahiet. — Le chevalier est appelant, et comme tel il a le droit de combattre à cheval et armé de toutes pièces contre le serf en sarrau, n’ayant pour sa défense qu’un bâton.

— Hélas ! messire, vous le voyez, ce n’était pas sans raison que j’avais le cœur navré. Mais écoutez encore. Le pauvre Mazurec, songeant moins au combat qu’à sa fiancée, se jette en sanglotant aux genoux de son seigneur et le supplie de ne pas déshonorer Aveline. Savez-vous ce que lui répond le seigneur de Nointel ? « Jacques Bonhomme (c’est ainsi que les nobles appellent leurs serfs par dérision), Jacques Bonhomme, mon ami, je tiens pour deux raisons à passer cette nuit avec ta femme : d’abord, parce qu’elle est, dit-on, fort gentille, et puis parce que cela te punira d’avoir eu l’insolence d’accuser de larcin un de mes hôtes. » À ces mots, Mazurec-l’Agnelet