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nos annales, la royauté ne jure que pour se parjurer, n’accorde aujourd’hui que pour reprendre demain ce qu’elle a concédé ! comptant sur la ruse, sur la violence, pour rebâter Jacques Bonhomme à sa première défaillance. Le peuple, cette fois encore, crut la révolution féconde ; il crut naïvement avoir pour jamais reconquis ses franchises, avoir mis le fruit de ses labeurs à l’abri des pillards de la cour, il se crut enfin assuré de garanties légales pour sauvegarder l’avenir… Il n’en fut rien ! Le dauphin et sa cour, après cette concession forcée aux volontés des Parisiens, ne songèrent qu’à rétablir les anciens abus et à se venger du populaire ; ils entrèrent en négociation secrète avec le roi de Sicile, les ducs d’Orléans et de Bourbon. Ceux-ci, malgré la nouvelle ordonnance qui interdisait aux princes du sang d’entretenir désormais des bandes armées, devenues la désolation et la terreur du pays, avaient rassemblé un corps de troupes considérable à vingt-cinq lieues de Paris, prêts à marcher contre cette cité ; des traîtres semèrent d’abord la division, puis la haine entre les chefs des corporations, dont l’unité pouvait seule consacrer le triomphe de l’insurrection. Les charpentiers, auxquels se joignit une partie de la bourgeoise, se liguèrent contre les bouchers. Ces discordes, perfidement exploitées par le parti de la cour, assurèrent le triomphe d’une nouvelle réaction ; elle fut horrible, impitoyable contre ceux qu’on appelait les Cabochiens. L’ordonnance royale (18 septembre 1413) qui les condamnait à la mort ou à l’exil leur reprochait : « d’avoir envoyé sur différents points de la France des messagers chargés de lettres diffamatoires envers le roi et son fils le dauphin, pour engager les autres villes et leur menu peuple dans la révolte des Parisiens, afin d’attenter contre le roi et sa famille, et de détruire la royauté en machinant la mort des seigneurs, la destruction de l’ordre ecclésiastique tout entier, ainsi que de l’ordre de la noblesse (L). » Vous le voyez, fils de Joel, l’œuvre des anciens communiers, précurseurs de Marcel, se poursuivait toujours, au prix du sang de nouveaux martyrs de la cause populaire ; voici les noms obscurs, mais