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l’amant, quoique souillé du sang du duc d’Orléans, premier amour de cette reine adultère et incestueuse. Le duc de Bourgogne, afin d’assurer son pouvoir, appelle à lui des Brabançons, des Lorrains, indistinctement connus sous le nom de Bourguignons ; le duc d’Orléans et les autres princes de la famille royale, qui disputaient le pouvoir au duc de Bourgogne pendant les accès de démence de Charles VI, s’entourent de leur côté d’aventuriers normands, et surtout gascons, commandés par le comte d’Armagnac. Ces bandes prirent son nom, de même que celles du duc de Bourgogne prirent le sien ; dès lors ces deux factions : Armagnacs et Bourguignons, plongèrent le pays dans les horreurs d’une guerre civile acharnée qui devait durer plus de vingt-cinq ans. Le duc de Bourgogne, résidant à Paris, gouvernait le royaume au nom de Charles VI. Les Parisiens adoptèrent en majorité le parti bourguignon ; ils crurent le moment venu de reconquérir leurs libertés ; mais la bourgeoisie, ruinée par les exactions royales, presque entièrement anéantie par les supplices qui suivirent l’insurrection des Maillotins, n’étant plus en état de diriger le mouvement révolutionnaire, s’effaça devant l’influence des chefs des corporations de métiers, hommes rudes, illettrés, énergiques, impitoyables, mais dévoués à leur cause, convaincus de leurs droits, valeureusement décidés à poursuivre l’œuvre de Marcel, à ressaisir leurs franchises, à mettre un terme aux dilapidations de la cour. La plus puissante des corporations de Paris était alors celle des bouchers ; elle avait pour syndics les trois frères Legoix. Jean de Troyes, homme de bien et de courage, chirurgien célèbre, grand orateur, enflammé de l’amour du bien public, appuyait de son éloquence et de ses lumières le parti populaire ; les frères Legoix crurent politique, selon les conseils de Jean de Troyes, de soutenir l’influence du duc de Bourgogne contre les Armagnacs ; ils obtinrent de lui l’autorisation de lever une troupe de cinq cents garçons bouchers ou écorcheurs, de les armer, de leur confier la garde de Paris, précieux privilége ; car, désarmés depuis la dernière révolte, les citoyens avaient dû subir