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quelque temps Maillart, malgré ses affectations de dévouement à la cause populaire et ses violences de langage contre la cour, négociait secrètement avec le parti royaliste, dont les chefs sont ici, le sire de Charny et le chevalier Jacques de Pontoise, pour la noblesse, et pour la bourgeoisie : Maillart et les anciens échevins, Pastorel et Jean Alphonse…

— Maître Marcel, — reprit vivement Mahiet, — vous et les gouverneurs ne prendrez-vous pas de mesures rigoureuses contre ces traîtres ?

— Quoi ! ils osent conspirer dans nos murs ! — ajouta l’écolier, — perfidement égarer un peuple trop crédule !

— Nos ennemis l’auront voulu, il faudra les frapper de terreur, car ils appellent sur Paris de terribles vengeances, — répondit Marcel. — Oui, Maillart, instruisant le régent de nos divisions intestines, du découragement que les agents de la cour ont inspiré à la population, de la haine qu’ils ont excitée contre nous, conjure le prince de marcher sur Paris, affirmant qu’un mouvement en sa faveur éclatera dans nos murs à son approche, que ses partisans sont de garde cette nuit et le seront demain encore à la porte Saint-Antoine, qu’ils ouvriront aux troupes royales, et qu’enfin Maillart espère pouvoir me livrer au régent… moi… l’âme de la révolution.

— Plus de doute ! — s’écria Mahiet avec horreur. — Ainsi la femme de Maillart en venant ici ce soir proposer à dame Marcel des moyens de faciliter votre fuite…

— … Me tendait un piége, — répondit Marcel avec une méprisante amertume. — Je me confiais à la foi de mon plus vieil ami… je me rendais seul chez lui, et il m’emprisonnait sans doute dans sa demeure afin de me livrer au régent à son retour à Paris.

— Trahison et lâcheté ! — s’écria l’écolier indigné. — Quel monstre femelle ! Ah ! déjà je l’avais jugée à ses lamentations hypocrites lors de l’enterrement de Perrin Macé ! cette sycophante en jupon !