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fenêtre le tumulte de la rue, car il règne ce soir une grande agitation dans Paris, lorsqu’un jeune homme, envoyé par messire l’écolier Rufin-Brise-Pot, m’a apporté, tout hors d’haleine, ce billet.

Alison tira de sa gorgerette un papier qu’elle remit à Marguerite ; celle-ci le prit vitement et lut à haute voix :

« Aussi vrai que dame Vénus, dans sa beauté olympique, vous a départi sa… »

— Passez ! passez, dame Marguerite ! et lisez à partir de la quatrième ou cinquième ligne, — dit Alison, rougissant et souriant à demi. — Ce sont fleurettes que s’amuse à me conter messire Rufin ; ne vous y arrêtez pas plus que je ne m’y suis arrêtée moi-même… Mais il aurait dû s’abstenir de ces mièvreries en m’écrivant sur un sujet très-sérieux.

Marguerite, après avoir parcouru des yeux les premières lignes de l’épître, dans lesquelles l’écolier déployait sa faconde amoureuse et mythologique, arriva au sujet essentiel de la missive et dit vivement : — Ah ! voici ! ... — Et elle lut ce qui suit :

«… Rendez-vous en hâte à la maison de maître Marcel ; s’il n’est pas chez lui, dites à son honorée femme de le faire avertir de ne pas sortir de l’Hôtel de ville sans être bien accompagné. Je suis sur la trace d’un complot qui le menace ; dès que je saurai quelque chose de certain, je me rendrai, soit chez maître Marcel, soit à l’Hôtel de ville, lui faire part de ma découverte. Qu’il se méfie surtout de l’échevin Maillart ; il n’a pas de plus mortel ennemi. Il devrait le faire emprisonner sur l’heure… de même que je voudrais sur l’heure avoir pour prison votre cœur, dont le gentil garçonnet Cupido est le… »

— Passez, passez, dame Marguerite, ce sont encore fleurettes ; il n’y a rien de plus à lire, — reprit Alison. — Et de nouveau je m’étonne de ce que le messire écolier mêle choses si folles à choses si graves.

— Oh ! graves ! bien graves !… cette lettre redouble mes craintes, — répondit Marguerite en tressaillant. Puis, songeant à son récent