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— Donc, comptez sur moi ; je me battrai autant pour l’amour de vos beaux yeux noirs que pour votre cause.

— Oh ! ma cause est bonne, archi-bonne, messire avocat ; j’ai si bien prêté ces douze florins à Simon-le-Hérissé que ce jour-là même il…

— Ne m’en dites pas davantage une jolie bouche comme la vôtre ne saurait mentir, et puis j’ai l’habitude de toujours croire mes clients. Il s’agit, voyez-vous, de donner non de solides raisons, mais de solides coups d’épée, de lance ou de masse d’armes ; aussi, tant que ce poignet droit-là ne sera pas coupé… il sera, pardieu ! plus concluant que les arguties des plus fameux légistes !

— Je ne dois point vous cacher que ce larron de Simon-le-Hérissé a été franc-archer. C’est un homme si dangereux que…

— Belle hôtesse, j’ai une autre habitude, quand je plaide ; c’est de ne jamais m’enquérir de la manière de combattre de mon adversaire ; de cette façon, je ne forme point d’avance un plan d’attaque souvent mis en défaut par la pratique ; j’ai le coup d’œil primesautier ; une fois en champ clos, je toise mon homme, je dégaîne… et j’improvise d’estoc et de taille… Je me suis toujours félicité de cette manière de plaider. Ainsi, comptez sur moi. Le tournoi ne commence qu’à midi ; mes armes sont en bon état, mon cheval mange sa provende : un coup à boire ! Vive la joie, ma belle hôtesse ! et heur à la bonne cause !

— Ah ! secourable avocat, si vous gagnez mon procès, je vous donne trois florins. Ce ne sera pas trop payer la joie de recouvrer mon argent et surtout de vous voir mettre à mal ce truand de Simon-le-Hérissé.

— C’est dit : si je gagne votre procès, vous me donnerez trois florins et un beau baiser…

— Oh ! messire…

— Allons, c’est moi qui vous donnerai le beau baiser, puisque cela vous embarrasse. Mais par la mort-Dieu ! votre front reste sou-