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de Marcel, ils seraient mes auxiliaires, et que bientôt nous nous mettrions en marche vers Paris ; en attendant le départ, leurs hommes devaient rester campés dans le vallon ; les chefs, après avoir été donner l’ordre de ce campement, se concerteraient avec moi pour nos opérations. Chose dite, chose faite. Les trois chefs vont veiller au campement des Jacques et reviennent ici ; mon premier soin est de les faire jeter au cachot : je savais de reste que, privées de leurs chefs, ces exécrables bandes seraient à moitié vaincues. J’envoie alors l’un de mes officiers, le sire de Bigorre, prévenir les Jacques qu’ensuite de ma conférence avec leurs chefs, ceux-ci désirent que leurs hommes commencent sur l’heure quelques exercices de bataille avec mes archers et mes cavaliers, afin de s’habituer à l’ordonnance militaire. Les Jacques, donnant dans le piége où leurs chefs ne seraient point tombés, acceptent joyeusement cette proposition…

Charles-le-Mauvais voit l’indignation et la colère de Mahiet se trahir par de brusques mouvements malgré ses liens, s’interrompt un moment et ajoute : — Je me félicite de plus en plus de t’avoir fait garrotter ; tu m’aurais déjà sauté à la gorge. Réserve ta fureur, elle aura tout à l’heure de quoi s’exercer… Je poursuis… Les bourgeois et les corps de métiers de Clermont avaient fait mettre de nombreux tonneaux en perce, afin de fêter les Jacques, leurs compères ; la liesse est complète après boire, les Jacques demandent à grands cris une première marche militaire en manière d’exercice. Le sire de Bigorre, habile capitaine, commande la manœuvre, de telle sorte qu’après quelques marches et contre-marches, les Jacques se trouvent entassés en troupeaux dans le fond du vallon, tandis que mes archers garnissent toutes ses pentes à bonne portée du trait, et que mes cavaliers occupent les deux seules issues qui pouvaient permettre aux fuyards de s’échapper de cette gorge profonde…

— Va, roi ! — dit Mahiet avec une amertume désespérée ; — je m’attends à tout ! Vous êtes experts, vous autres princes, dans les lâches massacres !…