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— Oui, sire… on vient de l’amener désarmé et garrotté selon vos ordres… Il est gardé à vue dans la salle basse.

— Qu’on l’introduise ici…

L’écuyer sort, Charles-le-Mauvais se lève de son siége, s’approche de la fenêtre donnant sur la place où est dressé l’échafaud, et après l’avoir entr’ouverte afin de regarder au dehors ; il la referme et revient s’asseoir près de la table, les lèvres contractées par un sourire sinistre. À ce moment, l’écuyer rentre précédant des archers entre lesquels marche Mahiet-l’Avocat d’armes, les mains liées derrière le dos, les traits enflammés de courroux. Charles-le-Mauvais fait un signe à l’écuyer ; celui-ci s’éloigne avec les Navarrais ; le prince et Mahiet restent seuls.

— Sire, je suis victime d’une méprise ou d’une indigne trahison ! — s’écrie l’Avocat d’armes. — Je désire pour votre honneur qu’il y ait méprise…

— Il n’y a point de méprise.

— Alors c’est trahison ! me désarmer ! me garrotter ! moi, porteur de la médaille que je vous ai fait remettre avec un billet constatant que j’étais envoyé près de vous par maître Marcel ! C’est trahison, sire ! indigne félonie, vous dis-je…

— Il n’y a dans tout ceci ni méprise, ni félonie.

— Qu’est-ce donc alors ?

— Une simple mesure de prudence, — répond froidement Charles-le-Mauvais, et il ajoute : — Tu as signé ta lettre, Mahiet-l’Avocat d’armes… C’est ton nom et ta profession ?

— Oui.

— Marcel t’envoie près de moi ?

— Je vous l’ai dit et prouvé en vous faisant parvenir cette médaille.

— Quel est le but de ton message ?

— Vous le saurez lorsque vous m’aurez fait délivrer de mes liens.

— Tes liens ne te lient point la langue… ce me semble ?

— Ils lient ma dignité…