Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/200

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nité !… — Puis, voyant Adam-le-Diable et Guillaume Caillet se rapprocher, Mahiet-l’Avocat d’armes ajoute tout bas : — Frère, que personne, sinon moi… ne sache que tu as respecté Gloriande ; il faut surtout que Conrad, pour sa punition, croie au déshonneur de sa fiancée !… — S’adressant alors à Guillaume, qui venait de le rejoindre, Mahiet dit : — Nous voici bientôt au pont de l’Orville, hâtons-nous…




Le soleil levant éclaire de ses rayons les eaux rapides de l’Orville, où, l’année précédente, Mazurec a été précipité lié dans un sac. L’on voit encore sur la berge les troncs des vieux saules où les vassaux faits prisonniers après leur révolte ont été pendus, le vent du matin courbe les roseaux à l’abri desquels Adam-le-Diable et Mahiet, cachés pendant les préparatifs du supplice de Mazurec, avaient pu ensuite le retirer de l’eau.

Bientôt les Jacques arrivent au pont, le traversent et atteignent la grande prairie au milieu de laquelle a eu lieu le tournoi donné par leur seigneur, le sire de Nointel ; là, ils s’arrêtent. Grand nombre d’entre eux s’étaient trouvés spectateurs de la passe d’armes, puis du duel judiciaire entre Mazurec et le chevalier de Chaumontel. Quelques paysans, d’après les ordres de Guillaume Caillet, vont couper, à l’aide de leurs cognées, des pieux et des tiges de jeunes arbres au moyen desquels ils établissent des barrières autour d’un espace de trente pieds carrés environ. Les Jacques se rangent et se pressent autour de ce champ clos improvisé.

Guillaume Caillet s’approche de ceux de ses hommes qui amènent garrottés le sire de Nointel et le chevalier de Chaumontel. Cc dernier est pâle, mais résolu ; Conrad, abattu, découragé, s’abandonne à une terreur superstitieuse : il voit se réaliser la sinistre prédiction de son vassal, qui, l’année précédente et au moment de son supplice, lui a dit :