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Adam-le-Diable, qui vient de lui dire avec un éclat de rire féroce en la poussant vers Mazurec : — Voilà ton nouveau mari ! — Gloriande n’entend pas ces paroles et recule d’un pas en s’écriant avec horreur à l’aspect du serf défiguré :

— Oh !… quel monstre.

Mais quel est l’effroi de la damoiselle, lorsqu’elle voit ce monstre s’avancer lentement en fixant sur elle son œil cave, étincelant de haine, et qu’elle sent s’appesantir sur sa blanche épaule la main calleuse du serf lui disant d’une voix sourde :

— Au nom de la force… tu m’appartiens… de même qu’au nom de la force Aveline, ma fiancée, a appartenu à ton mari Conrad de Nointel…

— Oh !… que dit ce monstre ? — murmure Gloriande éperdue en se rejetant en arrière afin de se dégager de la rude étreinte du vassal, et elle s’écrie d’une voix déchirante :

— Mon père… au secours, mon père !…

Le vieux seigneur de Chivry était à deux pas de là, garrotté comme Gérard de Chaumontel et Conrad de Nointel. Celui-ci, hébété par la frayeur, écrasé par le remords, n’entend rien, ne voit rien ; il joint les mains avec force et murmure :

— Seigneur, mon Dieu, et tous les saints de votre paradis ! ayez pitié de moi !… Je suis un grand pécheur… je me repens d’avoir forcé la fiancée de ce vassal… Malheur à moi ! la révolte des serfs a toujours été fatale à la race des Neroweg !… Ayez pitié de moi, Jésus, mon Dieu !… ayez pitié de moi !…

— Mon père, au secours ! — crie toujours Gloriande en tâchant d’échapper aux robustes mains de Mazurec-l’Agnelet, dont les ongles, crispés comme les serres d’un oiseau de proie, retiennent près de lui la fiancée du sire de Nointel, — mon père, au secours !…

— Vassal ! — dit d’une voix haletante le vieux seigneur de Chivry à Guillaume Caillet, — tu es le chef de cette bande de forcenés ; sauve la vie et l’honneur de ma fille, je t’épargnerai… j’en jure