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maître Étienne Marcel ; tout le monde vous enseignera son logis, vous direz à sa femme que j’ai reçu une blessure légère et nullement dangereuse. Cela rassurera dame Marcel et sa nièce… ma fiancée…

— Ah ! vous êtes fiancé, messire ? — reprit Alison en tressaillant et devenant vermeille ; puis, étouffant un soupir, elle ajouta d’une voix tremblante : — Dieu protége vos amours ! Je suivrai votre avis, j’irai à Paris… Je rassurerai celle que vous aimez ; je serais à sa place heureuse, oh ! bien heureuse… d’être rassurée, si j’aimais quelqu’un. — Ce disant, Alison baissa la tête pour cacher une larme furtive qui brilla dans ses beaux yeux noirs.

— Ah ! Mahiet, — dit tout bas Rufin frappé de la grâce et de la bonté de la jeune femme, — une gentille et honnête personne comme celle-là vaut cent fois Margot-la-Savourée !

— Chère hôtesse ! — reprit Mahiet après un moment de réflexion, — vous avez suivi mon premier conseil… suivez le second : en ces temps-ci, une femme voyageant seule court de grands dangers, acceptez pour compagnon mon ami Rufin que voilà.

— Mahiet, — dit vivement l’écolier, — je…

— Tu t’es bravement battu malgré ta blessure reçue avant-hier et qui, m’as-tu dit, te fait encore beaucoup souffrir ; de plus, tu rendras service à notre cause, en allant apprendre à Marcel que les paysans sont en armes dans cette province, et qu’à la voix de Guillaume Caillet, ils ont donné le signal de l’insurrection. Marcel attend ces nouvelles pour agir… et si à ce sujet il a quelque message de confiance à m’adresser, tu reviendras, après avoir conduit dame Alison à Paris, me rejoindre en Beauvoisis ; tu seras facilement renseigné dans le pays sur la direction de la troupe de Guillaume Caillet, tu me trouveras avec lui. — Voyant enfin l’écolier ébranlé, Mahiet ajouta tout bas : — Malgré tes étourderies de jeunesse, tu es un honnête garçon ; tu veilleras sur Alison comme un frère sur sa sœur… me le promets-tu ?

— Oui… et tu peux te fier à ma parole !