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Ce fut (m’a dit plus tard à moi, Mahiet, mon frère Mazurec), ce fut quelque chose d’affreux ! Les vassaux, suffoqués, aveuglés par cette noire et cuisante fumée, ressentaient des douleurs atroces ; les bestiaux, partageant les mêmes souffrances, devinrent furieux, rompirent leurs liens, se ruèrent dans les ténèbres au milieu de la foule, l’écrasant sous leurs pieds, la transperçant à coups de cornes. Les cris plaintifs des femmes et des enfants, les imprécations des hommes, les rugissements du bétail, formaient un concert infernal. Plusieurs vassaux parviennent à se diriger à tâtons vers le puits et s’y précipitent afin d’échapper à une torture prolongée ; d’autres s’élancent éperdus afin de sortir du gouffre ; mais, étouffés par les flots de vapeur qui s’échappent de l’étroite entrée du souterrain, changée en fournaise, ils tombent brûlés au milieu des flammes ; d’autres se jettent à plat ventre et, rampant la face contre terre, ils grattent le sol avec leurs ongles et collent leur bouche aux excavations qu’ils creusent, espérant dans leur délire, pouvoir aspirer ainsi un peu d’air ; enfin, voulant leur épargner un plus long supplice, des mères étranglent leurs enfants à l’agonie.

Mazurec revient à des sentiments d’autant plus tendres pour Aveline qu’il frémit de l’horrible mort dont elle est menacée, il l’a tenue étroitement embrassée dès que la fumée a commencé d’envahir la caverne ; mais la jeune vassale, depuis longtemps épuisée par la misère, la douleur et le chagrin, ne devait pas survivre à ce nouveau péril, et, râlant déjà, elle attache ses lèvres glacées sur celles de Mazurec, comme si l’infortunée, pour échapper à la suffocation, voulait aspirer le souffle de son mari ; puis il se sent convulsivement serré entre les bras raidis d’Aveline-qui-jamais-n’avait-menti… elle expirait…

— Morte ! — s’écrie le serf d’une voix déchirante, — morte sans vengeance !…

— Tu peux la venger, nous sauver tous deux et grand nombre de ces malheureux, — dit la voix haletante d’Alison, qui conservait