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À ce spectacle touchant, les clameurs enthousiastes de la foule mobile et crédule retentirent de toutes parts, et les cris prolongés de : — Vive Marcel ! vive le régent ! à bonne fin ! — saluèrent ce rapprochement comme un heureux augure pour l’avenir.

Marcel, profondément ému, dit au régent en rentrant avec lui dans la galerie : — Sire, vous l’entendez ; le peuple, plein d’espoir et de confiance, acclame de ses cris joyeux une ère de paix, de justice, de grandeur et de prospérité. Ne trompez pas tant d’heureuses espérances ; le bien vous est si facile ! il est si beau de léguer à la postérité un nom glorieux et béni de tous !

— Mon bon père ! — répondit le régent d’une voix palpitante, — mes yeux s’ouvrent à la lumière ; mon cœur s’épanouit… je renais pour une vie nouvelle… Venez, vous ne me quitterez pas de la journée, de la nuit s’il le faut. À l’œuvre, à l’œuvre… prenons de concert des mesures promptes, énergiques… Ah ! vos vœux seront exaucés ; je léguerai à la postérité un nom béni de tous… venez, mon bon père ! — Et le jeune prince, passant avec une familiarité filiale son bras au cou de Marcel, fit quelques pas avec lui dans la galerie en se dirigeant vers son cabinet de travail ; mais, s’arrêtant soudain, il ajouta de l’air le plus naturel en paraissant réfléchir : — Ah ! j’oubliais ! — Et, quittant le prévôt des marchands, il fit quelques pas au devant du seigneur de Norville, l’appela. Celui-ci accourut, et le prince lui dit à voix basse : — Ce soir, à la tombée de la nuit, qu’un bateau, monté de deux hommes sûrs, m’attende en dehors du barrage de la rivière en face de la poterne du Louvre… Rassemble dans un coffre mon or, mes pierreries, et tiens-toi prêt à m’accompagner cette nuit.

— Sire, comptez sur moi !

— Eh bien ! Mahiet, — disait Marcel à l’avocat pendant le secret entretien du régent et de son courtisan, — tu le vois… mon espoir n’était pas trompeur. La leçon a été terrible, mais salutaire… Retourne chez moi et dis à Marguerite que je ne rentrerai qu’à une