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— Oh ! oh ! pourquoi ? — dit le jeune prince en hochant la tête ; puis restant de nouveau pensif, il reprit après quelques moments de silence : — Que ce soir le bateau soit prêt !

Les favoris du régent connaissaient trop sa ténacité indomptable et sa profonde dissimulation pour essayer d’obtenir de lui qu’il s’expliquât plus clairement ; cependant le maréchal de Normandie allait de nouveau reprendre la parole lorsqu’un des officiers du palais entra et dit : — Sire, le seigneur de Nointel et le chevalier de Chaumontel demandent à être introduits pour prendre congé de vous, faveur que vous leur avez accordée hier.

Le régent ayant fait un signe de tête affirmatif, Conrad de Nointel et son ami entrèrent dans la chambre royale et s’inclinèrent respectueusement devant le prince. Les fatigues de la guerre n’avaient en rien altéré la santé des deux chevaliers, revenus de la bataille de Poitiers sans la plus légère blessure ; tous deux avaient des premiers lâchement tourné bride à la tête de la noblesse ; et le fiancé de la belle Gloriande de Chivry ne ramenait point les dix prisonniers anglais que la noble demoiselle voulait voir conduits enchaînés à ses pieds, comme gage de la vaillance de son futur époux.

— Ainsi donc, Conrad de Nointel, tu quittes déjà notre cour pour retourner dans ta seigneurie ? — dit le régent. — Nous espérons te revoir en de meilleurs temps ; nous aimons toujours à compter un Neroweg parmi nos fidèles, car ta famille est, dit-on, aussi ancienne que celle des premiers rois franks qui ont conquis cette terre des Gaules… N’as-tu pas un frère aîné ?

— Oui, sire ; la branche aînée de ma famille habite, en Auvergne, ses domaines qu’elle doit à l’épée de mes aïeux, compagnons de guerre de Clovis. Mon père avait quitté son château de Ploërmel, situé près de Nantes, pour venir habiter Nointel, qui lui était échu en héritage de ma mère. Il préférait le voisinage de Paris et de la cour au voisinage de la sauvage Bretagne ! Je suis de l’avis de mon