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vivent de nos labeurs quotidiens ou des impôts dont ils nous écrasent, nous, bourgeois, artisans ou laboureurs ? Comprendrez-vous enfin que jamais nous n’obtiendrons de réformes sincères, durables et fécondes, sans une étroite alliance avec les gens des campagnes ? Est-ce que si demain, à un signal donné, les serfs se soulevaient en armes contre leurs seigneurs, les gens des villes contre les officiers royaux, il y aurait au monde une puissance humaine capable de dominer ce soulèvement de tout un peuple ? Le régent et quelques milliers de seigneurs et d’hommes d’armes voudraient-ils résister ?… Ils seraient emportés, anéantis, dans cette tempête populaire ; et, le ciel redevenu serein, le peuple des Gaules, jadis asservi et déshérité par la conquête, rentrant en possession de sa liberté, de son sol, verrait s’ouvrir pour lui un avenir de paix, de grandeur et de prospérité sans fin !… Et cette espérance n’est pas chimérique, cet avenir, il dépend de vous de le réaliser, en vous unissant étroitement avec nos frères les paysans !… Le voulez-vous ?

— Oui ! oui ! — s’écrièrent les échevins présents à cette réunion.

— Oui ! oui ! — répétèrent les mille voix de la foule avec un enthousiasme impossible à rendre ; — unissons-nous à nos frères des campagnes ! Leur cause est la nôtre ; que notre devise soit aussi la leur : À bonne fin pour les gens des villes ! À bonne fin pour les paysans !

— Viens, pauvre martyr ! — s’écria Marcel les yeux baignés de larmes, en pressant contre sa poitrine Guillaume Caillet, non moins ému que le prévôt des marchands, — viens ! J’en prends à témoin le ciel et ces cris échappés de tant de cœurs généreux apitoyés par le récit des tortures de ta famille… viens… elle est conclue, en ce jour solennel, l’indissoluble alliance de tous les enfants de notre mère-patrie ! Unissons-nous contre l’ennemi commun ! Artisans, bourgeois et paysans, ici, jurons-le : Tous pour chacun ; chacun pour tous ! et à bonne fin la bonne cause !

Ô fils de Joel ! moi, Mahiet-l’Avocat, qui écris cette légende, jamais