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osé se révolter contre le légitime exercice de ce droit, fera, les mains jointes et à genoux, amende honorable à son seigneur ! De plus, ledit vassal ayant accusé de larcin un noble homme, et celui-ci demandant à prouver son innocence par les armes, nous ordonnons le duel judiciaire. Le chevalier, selon la loi, se battra armé de toutes pièces et à cheval, le serf à pied, armé d’un bâton ; et s’il est vaincu et qu’il survive, il sera noyé comme diffamateur d’un chevalier. »

À ces dernières paroles de Marcel, une explosion de fureur éclata dans l’auditoire ; Guillaume Caillet cacha dans ses mains son pâle et sombre visage. Le prévôt des marchands, dominant le tumulte, continua de la sorte :

— La justice a prononcé ; l’arrêt est exécuté. On traîne la vassale garrottée dans le lit de son seigneur ; il la déshonore, et on la rend ensuite à son époux. Ce malheureux fait amende honorable à genoux devant son suzerain ; puis il va combattre demi-nu le chevalier couvert de fer… L’issue de ce duel, vous la devinez… le vassal, vaincu, est mis dans un sac et jeté à la rivière…

— Et aujourd’hui, ma fille porte en son flanc un enfant de son seigneur ! — s’écria Guillaume Caillet, effrayant de haine et de rage, en faisant quelques pas vers l’auditoire, frémissant encore d’horreur et d’épouvante. — Que faudra-t-il en faire de cet enfant, s’il vient au monde, hein ? bourgeois de Paris ? — ajouta le vieux paysan. — Vous avez aussi des femmes, des filles, des sœurs, vous autres ! répondez, que feriez-vous ? Cet enfant de la honte et du viol, faudra-t-il l’aimer comme l’enfant de ma pauvre fille ? faudra-t-il le haïr comme l’enfant du noble, du bourreau d’Aveline ? et au jour de la naissance du louveteau, lui briser la tête pour qu’il ne devienne pas loup ?

À ces paroles de Guillaume Caillet, personne ne répondit. Un morne silence régna dans la foule, et Marcel s’écria :

— Voilà donc ce qui se passe aux portes de nos cités ! Le peuple