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pulaire, et des agrafes ayant pour devise ces mots : À bonne fin ! Les deux enterrements qui avaient eu lieu durant le jour, et dont le contraste et la signification étaient si évidents, servaient de texte aux entretiens de la réunion bruyante et animée ; les esprits les moins clairvoyants pressentaient l’imminence d’une crise décisive et d’un conflit inévitable entre le parti de la cour et le parti populaire, représentés, l’un par le régent, l’autre par le prévôt des marchands. Aussi, l’arrivée de ce dernier était-elle attendue avec autant d’impatience que d’anxiété. Au bout de peu d’instants, il entra par une porte pratiquée près de la tribune, et accompagné de plusieurs échevins, parmi lesquels se trouvait Jean Maillart ; puis venaient Mahiet-l’Avocat, Rufin-Brise-Pot et Guillaume Caillet. Ce dernier s’était assez longuement entretenu avec Mahiet et le prévôt des marchands avant leur entrée dans la grand’salle. Des acclamations enthousiastes saluèrent l’arrivée de Marcel et des échevins ; il monta sur l’estrade, au pied de laquelle resta Maillart ; les autres échevins s’assirent non loin de Marcel, qui bientôt s’exprima de la sorte au milieu du profond silence qui se fit peu à peu :

— Mes amis, le moment est grave : pas de découragement ; mais plus d’illusion. Le régent et la cour ont jeté le masque ! Ce matin, à notre protestation solennelle contre l’arrêt inique et sanglant qui, au mépris des lois, a frappé Perrin Macé, la cour a répondu en suivant le convoi de Jean Baillet ; c’est un défi… Acceptons le défi !

— Oui ! oui ! — s’écria la foule ; — le régent et ses courtisans ne nous feront pas reculer !

— Un moment effrayé par l’énergie de l’Assemblée nationale, le régent avait accordé, juré l’accomplissement des réformes ! Les députés des villes de la Gaule réunis à Paris en États-généraux, devaient, avec le loyal concours du régent, régir sagement, paternellement, le pays tout entier, comme les magistrats des communes régissent les cités. Ainsi, plus de tyrannie royale et féodale, plus de prodigalités ruineuses, plus de fausse monnaie, plus de justice vénale,