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tante, en femme de bon sens, n’est pas allée à cet enterrement faire montre et enseigne d’une douleur de commande !

— Denise ! — dit vivement Marguerite à la jeune fille, craignant d’envenimer cette discussion, puérile en apparence, mais dont les suites pouvaient être dangereuses pour Marcel. Il était trop tard, et dame Pétronille, se levant, reprit aigrement en s’adressant à Denise :

— Apprenez, ma mie, que ma douleur, non plus que celle de mon mari, n’était point une douleur de commande.

— Dame Pétronille, — ajouta Marguerite avec anxiété, — ce n’est pas là ce que Denise a voulu dire… écoutez-moi de grâce.

— Madame, — répondit sèchement la femme de Maillart, — j’étais venue ici pour vous avertir charitablement et en véritable amie des propos, sans doute peu réfléchis, mais dangereux, oh ! très-dangereux, madame, pour la popularité de maître Marcel ; car, à cette heure, ces propos circulent dans tout Paris… Loin de me remercier, l’on m’accueille ici par des paroles insultantes. La leçon est bonne, j’en profiterai…

— Mais, dame Pétronille, je…

— Il suffit, madame ; ni moi ni mon mari nous ne remettrons jamais les pieds chez vous. Je voulais amicalement vous signaler le danger que courait la bonne renommée de maître Marcel ; j’ai fait mon devoir, advienne que pourra !

— Dame Pétronille ! — répondit Marguerite avec une dignité triste et sévère, — depuis que Marcel a consacré sa vie aux affaires publiques, il n’est pas une de ses paroles, pas un de ses actes, dont il ne puisse répondre le front haut ; il a fait le bien pour le bien, sans rien attendre de la reconnaissance des hommes ; il saura rester indifférent à leur ingratitude ; si un jour ses services sont méconnus, il emportera dans sa retraite la conscience de s’être toujours conduit en honnête homme. Quant à moi, je bénirai le jour où mon mari quittera les affaires publiques pour reprendre notre vie obscure et paisible.