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— Eh bien ! chère dame Marguerite, l’on a malheureusement remarqué votre absence à l’enterrement de tantôt.

— Quel enterrement ?

— L’enterrement de ce pauvre Perrin Macé. J’en arrive ; vous le voyez à mes habits de deuil. Je devais, en ma qualité de femme d’échevin, rendre ce dernier hommage à la mémoire de cette pauvre victime d’une épouvantable iniquité.

— Madame… je ne puis que plaindre la victime.

— Quoi ! vous n’êtes pas révoltée en songeant au sort de cet infortuné !

— Cette grande iniquité a révolté mon mari. En sa qualité de premier magistrat de la cité, il a…

— Premier magistrat de la cité ! — reprit dame Maillart avec une sorte d’aigreur, — jusqu’à ce que l’on en choisisse un autre, bien entendu, puisque tous les échevins peuvent devenir prévôts des marchands.

— Certainement, — dit Marguerite en échangeant un regard avec Denise qui, triste et silencieuse, avait repris son travail de couture. — Le devoir de mon mari, poursuivit la femme de Marcel, était d’abord de protester contre le crime des courtisans du régent en se rendant solennellement à l’enterrement de Perrin Macé… Ce devoir, mon mari l’a accompli. Quant à moi, dame Pétronille, sachant que la coutume n’est pas que les femmes assistent à ces tristes cérémonies, je suis restée à la maison.

— La coutume… — s’écria dame Maillart, — est-ce qu’en de si graves circonstances l’on a souci de la coutume ! On consulte, ce me semble, d’abord son cœur ; ainsi ai-je fait. De noir vêtue de la tête aux pieds, comme vous le voyez, j’ai suivi l’enterrement en gémissant et pleurant toutes les larmes de mon corps ; aussi je vous le dis en amie, chère dame Marguerite, il est très-regrettable que vous ne m’ayez pas imitée.

— Chacun, n’est-ce pas, est juge de sa conduite, madame ?