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l’écart du côté de la tonnelle de verdure servant de geôle amoureuse. La voix irritée du seigneur de Bercy domine le tumulte, et il s’écrie, en menaçant Mylio du poing : — Misérable !… oser outrager ici la seigneurie et notre sainte Église catholique ! je te ferai prendre par mes hommes, et ils useront leurs baudriers sur ton échine !

Mylio, calme et dédaigneux. — Foulques de Bercy, tes hommes sont de trop… Va chercher une épée ; j’ai la mienne dans le pavillon de verdure ; et par Dieu ! si tu as du cœur, cette cour d’amour va se changer en champ clos, et ces belles dames en juges d’armes !

Foulques de Bercy, furieux. — Moi ! toucher ton épée de la mienne ! C’est à coups de bâton que je vais châtier ton insolence, vil serf !

Mylio, raillant. — Si je suis serf, ton fils l’est aussi. Vrai Dieu ! si ta gentille femme Emmeline t’entendait me menacer, elle te dirait : « Doux ami, n’outrage point ainsi Mylio, lui… le père de ton dernier enfant ! »

Foulques, à ce sanglant sarcasme, s’élance de son siége ; un des nobles hommes de l’auditoire tire son épée, et la donnant au seigneur de Bercy, lui dit : — Venge ton offense ! tue ce vilain comme un chien ! — Mylio, désarmé, croise les bras et brave son adversaire ; mais Peau-d’Oie qui, après avoir cédé à un premier mouvement de poltronnerie, s’était enfui du côté de la geôle amoureuse, où Mylio avait déposé son épée, Peau-d’Oie a entendu les menaces de Foulques, et songeant au péril que court le trouvère, il prend l’épée, revient en hâte, et au moment où le seigneur de Bercy s’élance, l’arme haute, sur Mylio, celui-ci entend derrière lui la voix essoufflée du vieux jongleur, qui lui dit : — Voilà ton épée, défends-toi, défends-nous ; car je serais écharpé en vertu de notre compagnonnage. Corbœuf ! Pourquoi sommes-nous venus nous fourrer dans ce guêpier ?

Mylio saisit l’épée, se met en défense. — Merci, mon vieux Peau-d’Oie, je vais travailler pour nous deux !

Le jongleur, tout tremblant, se met à l’abri du corps de Mylio ;