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seigneurs que nous sommes, essayer de vous résister, mes vaillants Césars, tâcher de vous empêcher de vous faire justice sur nos biens et sur nos personnes, ainsi que vous le dites si triomphalement !

— Seigneur évêque, réfléchis à tes paroles, — répondit le talmelier en joignant les mains avec anxiété ; — ton refus de faire loyalement justice à la commune, hélas ! c’est la guerre entre nous et toi !

— Hélas ! oui, mon intrépide, — répondit Gaudry en contrefaisant ironiquement Ancel, — il nous faudra nous résigner à la bataille ; heureusement, les chevaliers épiscopaux ne manient point trop mal, que je sache, la lance et l’épée.

— Gaudry, la bataille dans notre cité, mais c’est une chose terrible ! — s’écria l’échevin d’une voix altérée ; — pourquoi nous réduire à une pareille extrémité lorsqu’il dépend de toi de prévenir de si grands maux en te montrant équitable et fidèle à ton serment ?

— Je t’en supplie, rends-toi à ces paroles sensées, — dit à son tour l’archidiacre à Gaudry ; — par ton refus ne déchaîne pas tous les fléaux de la guerre civile !

— Seigneur évêque, — reprit l’échevin d’une voix pressante, avec un accent triste et pénétré, — que te demandons-nous ? justice… rien de plus ! Rends ce cheval ou payes-en le prix. Ton serviteur a commis un crime, inflige-lui un châtiment exemplaire. En vérité, est-ce trop exiger de toi ? Iras-tu, par ta résistance, livrer notre pauvre pays à des calamités sans nombre ? faire couler le sang ?… Ah ! par pitié, songe aux suites de la bataille ! songe aux veuves, aux orphelins !…

— Je te comprends, héroïque échevin, — reprit l’évêque avec un ricanement dédaigneux ; — tu nous menaces de la guerre, et tu as, comme tes héroïques acolytes, une peur atroce de la guerre !

— Peur ! — s’écria Simonne, ne pouvant dominer son impétueux naturel, — peur !… Ah ! que le beffroi appelle les habitants à la défense de la commune, et, comme à Beauvais, comme à Noyon, comme