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vait à bord du bateau des femmes pirates, firent cesser le combat ; après quelques blessures reçues de part et d’autre, la belle Shigne, toute frémissante encore de cette lutte interrompue, donna ordre à ses compagnes de déposer les armes, et Anne-la-Douce, tendant les bras vers Eidiol, lui cria : — Bénissez cette guerrière, ô mon père ! elle m’a protégée auprès de Rolf ; grâce à elle, j’ai échappé aux outrages des pirates !

— Voici une flèche que je regrette, car c’est moi qui te l’ai lancée, — disait en même temps Guyrion à Gaëlo, le voyant essayer en vain d’arracher le trait qu’il avait reçu dans la jointure de son brassard ; — maintenant je te reconnais, — poursuivit Guyrion, — tu es venu nous ouvrir les portes des cachots de l’abbaye de Saint-Denis.

Rustique-le-Gai, tenant encore son coutelas à la main et contemplant Simon qui, ôtant son casque, faisait laide grimace, en portant sa main à l’un des côtés de sa tête ensanglantée, Rustique-le-Gai ajouta : — Et moi, je regretterais aussi d’avoir abattu la moitié de l’oreille de ce North-man, si cette oreille, démesurément longue, n’eût pas dépassé son casque de trois doigts au moins ; mais le morceau qui reste me paraît encore très-suffisant.

— Vienne une autre rencontre ! — s’écria Simon-Grande-Oreille, en montrant le poing à Rustique, — c’est ta langue insolente que je couperai, moi, foi de Simon !

— Tu n’es donc pas plus North-man que moi, mon honnête pirate ? — reprit Rustique en reconnaissant à ce nom de Simon un compatriote, — alors, mon regret est plus vif encore, de te laisser avec une si ridicule inégalité d’oreilles, j’aurais dû les raccourcir toutes deux !

Simon ne répondit pas à cette nouvelle raillerie, occupé qu’il était à étancher le sang de sa blessure qu’il lavait avec de l’eau fraîche puisée dans son casque, tandis que son compère Robin-Mâchoire lui disait, en manière de consolation : — Si seulement nous avions