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l’héroïne se débattait, l’abandonnèrent ; elle se releva, saisit l’épée que l’un des soldat avait jetée en entrant dans le caveau, la plongea dans la poitrine du chantre, et encore toute frémissante de rage et de honte, plus furieuse encore de voir Gaëlo presque témoin de la violence qu’elle avait failli subir, elle se précipita l’épée haute sur le jeune pirate, en lui criant, courroucé : — Je te tuerai ou tu me tueras, Gaëlo ! un homme, moi vivante, ne dira pas qu’il m’a vue exposée aux derniers outrages. — Ce disant, la guerrière chargea le pirate avec furie. Stupéfait de cette brusque attaque de la part d’une femme au secours de laquelle il accourait, Gaëlo se contenta d’abord de parer les coups, en disant : — Shigne, pourquoi cette colère ? Je venais à ton aide !

— Oui... C’est là ma honte, et tu le payeras de ta vie ! — reprit la vierge-au-bouclier en redoublant l’impétuosité de ses attaques ; — défends-toi, sinon je te balafre au visage !

Gaëlo, quoique exaspéré par la fierté farouche de la guerrière, se bornait à parer ses attaques, hésitant à la combattre résolument, mais elle l’atteignit au visage ; alors il se précipita sur elle en s’écriant : —Tu l’as voulu, femme indomptable ! tu me tueras ou je te tuerai ; ta présence ne causera plus mon supplice !

Et Gaëlo combattit la belle Shigne avec acharnement. Simon-Grande-Oreille et Robin-Mâchoire, après avoir tué sur le corps de Fultrade les deux guerriers réfugiés dans la crypte du tombeau de Clovis, se disaient : — Ainsi, ces nonnains qui venaient gémir à la porte de l’abbaye pendant que nous nous tenions cachés dans les chariots de fourrage, usaient comme nous de stratagème pour s’introduire ici ?

— Ah ! Simon, — répondit Robin en montrant l’héroïne et Gaëlo qui se battaient avec un redoublement de fureur, — quel dommage ! un si beau garçon et une si belle fille chercher à s’entre-tuer !

— Et s’ils survivent ils se chériront clopin-clopant, car dans leur rage, ils perdront quelque membre ; vois quels coups ils se portent !