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guerrières, les attaquaient avec acharnement, furieux de trouver tant de force, tant de courage dans des adversaires féminins. Plusieurs compagnes de Shigne furent tuées, d’autres blessées ; elles ne semblaient pas sentir leurs blessures, et combattaient avec une ardeur croissante. Les fuyards se précipitaient hors de la basilique par toutes les issues ; plusieurs d’entre eux faillirent renverser Fultrade, qui, de retour de la mission dont l’avait chargé le Comte de Paris, accourait à l’église, attiré par le bruit de la bataille. Shigne n’avait pas encore été blessée ; la joue empourprée, le regard flamboyant, adossée au mausolée du tombeau de Clovis, elle luttait intrépidement contre deux vieux guerriers franks, dont l’âge n’avait pas affaibli la vigueur ; l’héroïne faisait tournoyer son arme d’une main si forte, si agile, que sa hache, en écartant les épées de ses deux adversaires, faisait parfois jaillir des étincelles de ces chocs du fer contre le fer. Dans cette attaque, l’épée de l’un des guerriers fut brisée ; Shigne allait le tuer, lorsque Fultrade, qui durant ce combat acharné s’était glissé, tapi et caché derrière le mausolée de Clovis, auquel s’adossait la vierge-au-bouclier, s’avança en rampant, et la saisit brusquement aux jambes ; surprise par cette attaque inattendue, elle chancelle et tombe renversée en poussant un cri de rage. Dans sa chute, Shigne laisse échapper sa hache de ses mains, les deux soldats franks se jettent sur la guerrière, et la tiennent immobile malgré ses efforts désespérés.

— Skoldmoë ! — s’écria-t-elle, — à moi, mes sœurs ! — Mais sa voix fut couverte par le retentissement des armes et des armures, par les cris furieux que poussaient les autres guerriers et les vierges-aux-boucliers, en continuant de se battre ou se poursuivant sous les sombres arceaux de la basilique. En vain l’héroïne appelait ses compagnes ; Fultrade, agenouillé près d’elle pour aider les deux guerriers à vaincre sa résistance, lui mit la main sur la bouche et étouffa ses cris. Ainsi rapproché d’elle, et frappé de sa rare beauté, le chantre, l’œil étincelant d’une luxure féroce, dit aux soldats : — Compagnons,