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Comte ajouta : — Ce vénérable homme est le doyen de la corporation des mariniers parisiens, la plus honorable corporation de ma cité de Paris.

Eidiol, fort étonné de l’accueil du Comte, qui, le matin même, l’avait traité avec une si hautaine violence, le regardait d’un œil fin, tâchant de pénétrer la cause de ce brusque revirement de langage. Fultrade devint pourpre à l’apparition du père d’Anne-la-Douce, resta un moment frappé de stupeur ; puis il dit à Roth-bert : — Les moments sont précieux ; je tiens à bien remplir la mission dont tu m’as chargé.

— Je n’attendais pas moins de ton zèle, — répondit le Comte. — Hâte-toi, et fais comprendre aux seigneurs et aux abbés que, divisés, nous serons vaincus, mais unis, invincibles !

Le chantre disparut, et Roth-bert, redoublant d’amabilité, dit à Eidiol : — Sois le bien-venu... tu ne pouvais arriver plus à propos.

— Telle a été sans doute aussi la pensée de tes archers, puisqu’ils nous ont menacés d’une volée de flèches, si notre bateau n’abordait point.

— Ces mesures sont indispensables en ce moment, mon digne nautonnier. Tu sais sans doute la nouvelle ?

— Quelle nouvelle ?

— Ignores-tu que les North-mans ont reparu à l’embouchure de la Seine ?

— Ah ! il s’agit des North-mans ! — reprit Eidiol avec une parfaite indifférence. — En ce cas, oui, je sais la nouvelle. Le patron d’un chalan qui remontait en Seine m’a même dit que le gros de la flotte des pirates s’était ancrée cette nuit près de l’île d’Oissel, un de leurs anciens repaires.

— Par l’épée de mon aïeul, Roth-bert-le-Fort ! voilà qui me confond ! — s’écria le Comte de Paris stupéfait de l’insouciance du vieux marinier au sujet de l’invasion des North-mans. — Quoi ! une pa-