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tait plus somptueux que cet appartement. L’abbé ayant revêtu sa robe, se frottait les yeux, assis au bord de son lit douillet, au bas duquel on voyait un jupon de femme, oublié sans doute. La présence de ce vêtement expliquait le retard de l’abbé à ouvrir au Comte Roth-bert, qui, après avoir longtemps frappé à la porte, et enfin introduit auprès de Fortunat, lui disait impatiemment : — Fultrade ne vient donc pas ? Où est-il ? où est-il ?

— Seigneur Comte, on l’est allé quérir, on ne l’a pas trouvé dans sa cellule, — répondit le Chambellan de l’abbé (charge tenue à fief), car cet officier du palais abbatial, ainsi que plusieurs de ses confrères, le Maréchal, l’Écuyer, le Bouteiller, et autres dignitaires, attirés par le tumulte, avaient accompagné le Comte de Paris chez l’abbé.

— Le père Fultrade était sans doute à l’église, — reprit une voix, — souvent il s’impose, comme pénitence, des prières nocturnes.

— À moins qu’il ne soit resté à Paris, où je l’ai rencontré ce matin, — reprit Roth-bert. — Jamais pourtant sa présence ici n’aurait été plus nécessaire !

— Comte, — dit l’abbé en étouffant un bâillement, — aucun de mes chers frères en Christ ne couche hors de l’abbaye, à moins que je l’envoie au loin en mission. Fultrade a dû certainement rentrer ici ce soir. Mais m’apprendras-tu enfin la cause de cette alerte nocturne ?

— Pour te l’apprendre, j’attendais ton complet réveil, car tu me répondais en homme à moitié endormi. Or voici de quoi te faire ouvrir complètement les yeux et les oreilles : Les North-mans ont reparu à l’embouchure de la Seine ; ils s’avancent sur Paris !

L’abbé Fortunat, malgré son énorme corpulence, bondit sur son lit : ses trois mentons tremblotèrent, sa rouge et large face devint blême ; il joignit les mains avec épouvante ; ses lèvres s’agitèrent convulsivement ; mais, dans son effroi, il ne put articuler une parole. Les autres personnages restèrent, non moins que lui, terrifiés de la funeste nouvelle apportée par le Comte ; les uns poussèrent de longs gémissements, d’autres se jetèrent à genoux, invoquant l’interces-