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bourreaux : — C’est à nous qu’il va se confesser... Mettez-le tout nu, étendez-le sur le gril et avivez le brasier.

Les hommes du seigneur de Plouernel se jetèrent sur Bezenecq-le-Riche ; malgré sa résistance et les cris déchirants, désespérés, de sa fille, qu’ils contenaient brutalement, ils dépouillèrent le bourgeois de Nantes de ses vêtements, l’étendirent sur le gril ; puis, au moyen des chaînes de fer, l’attachèrent au-dessus du brasier. — Oh ! mon père ! — s’écria Bezenecq, — j’ai méprisé tes conseils... je subis le châtiment de ma lâcheté... Je meurs honteusement dans les tortures, au lieu de mourir les armes à la main, à la tête des serfs révoltés contre les seigneurs franks !... Triomphe, Neroweg ! mais viendra peut-être pour les fils de Joel le terrible jour des représailles !...




Azenor-la-Pâle, éclairée par une lampe, achevait dans son réduit la préparation du philtre magique promis par elle au seigneur de Plouernel. Après avoir versé plusieurs poudres dans une liqueur dont elle remplit un flacon, elle tira d’un coffret une petite fiole dont elle but le contenu ; puis, elle dit avec un sourire sinistre : — Et maintenant, Neroweg, tu peux venir... je t’attends. — Reprenant alors le flacon demi-plein d’une liqueur mélangée de différentes poudres, elle ajouta : — Il faut remplir ce flacon avec du sang... il faut frapper l’imagination de ces brutes farouches... allons... — ajouta-t-elle en soupirant et se dirigeant vers la tourelle où était relégué le petit Colombaïk ; soulevant alors le rideau qui masquait ce réduit, Azenor vit l’innocente petite créature pelotonnée sur elle-même dans un coin et pleurant silencieusement. — Viens, — lui dit la sorcière d’une voix douce, — viens près de moi. — Le fils de Fergan-le-Carrier obéit, se leva, et s’avança timidement. Hâve, maigre, étiolé par la misère, sa pâle figure avait, comme celle de sa mère, Jehanne-la-Bossue, un grand charme de douceur. — Tu es donc toujours