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incessamment lancés contre l’abominable idolâtrie de Mahomet, par nos prêtres de Jérusalem, ont peu à peu alarmé les pèlerins, et enfin porté le marteau sur le saint temple de Salomon ! démolition expiée par le massacre de tous les juifs dans les pays de l’Europe. Au fond, peu nous importait la destruction du temple et le saint sépulcre, mais notre but était atteint : le chemin de Jérusalem était connu ; les sandales des pèlerins isolés frayaient la route de la terre sainte, 0ù plus tard la voix des papes devait pousser les peuples catholiques dans l’intérêt de l’Église ; le nombre des pèlerinages augmentait d’année en année ; aux mendiants, aux vagabonds, se joignaient souvent des seigneurs, certains d’obtenir par ce pieux voyage l’absolution des crimes les plus horribles ; aussi se livraient-ils sans contrainte à la férocité de leurs passions, puis partaient pour Jérusalem, et absous par ce voyage, ils revenaient dans leurs seigneuries. Ce perpétuel va-et-vient de gens de toute condition attirait de plus en plus les regards de l’Europe vers l’Orient. Les merveilles mensongères, mais éblouissantes, racontées par les pèlerins au retour de leur long voyage, les reliques qu’ils rapportaient et dont ils trafiquaient fructueusement, le respect dont l’Église les environnait à dessein, tout frappait de plus en plus l’esprit crédule et la grossière imagination des peuples. Grégoire VII prévoyait ces résultats ; il crut opportun de prêcher la guerre sainte ; l’Église éleva la voix : « Honte et douleur pour le monde catholique ! — s’écria-t-elle, — le sépulcre du Sauveur des hommes est au pouvoir des Sarrasins ! rois et seigneurs, marchez à la tête de vos peuples pour la délivrance du tombeau du Christ et l’extermination des infidèles... » À cet appel prématuré, l’Europe ne répondit point, Grégoire VII s’était trop hâté, l’heure des croisades n’avait pas encore sonné. Aujourd’hui le moment est venu, Urbain VI va mettre en œuvre la pensée de Gerbert et de Grégoire VII ; oui, le pape doit être maintenant arrivé en Auvergne pour commencer de prêcher la croisade en Gaule, le pays catholique par excellence.