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audacieusement placées là au mépris des droits seigneuriaux, et que les colombiers que ces bourgeois avaient commencé de bâtir contre tout droit seraient abattus (V). À ce plaid se trouvaient aussi de nobles vassaux de Neroweg VI, possesseurs de maisons fortes ou de châtellenies, relevant du comte de Plouernel, suzerain de ces fiefs, de même que Neroweg VI, vassal de Wilhelm IX, duc d’Aquitaine, relevait de ce suzerain, lequel, vassal de Philippe Ier, relevait à son tour de ce roi des Français, suzerain suprême ; cette hiérarchie de toute seigneurie féodale existait de nom, jamais de fait : les grands vassaux, véritables souverains retranchés dans leurs duchés, se raillaient de l’impuissante autorité du roi ; la suzeraineté des ducs était à son tour presque toujours méprisée, contestée ou attaquée par leurs vassaux, maîtres absolus dans leurs seigneuries, comme le duc dans sa duché ; mais le vasselage immédiat, pareil à celui que subissaient les vassaux de la seigneurie de Plouernel, s’exerçait toujours dans sa pleine et tyrannique dureté, car à chaque instant l’implacable vengeance du suzerain pouvait directement atteindre les biens et les personnes des vassaux récalcitrants. Parmi ces gens venus de la ville, de leurs maisons fortes ou de leurs châtellenies, se trouvait une belle jeune fille, accompagnée de sa mère ; toutes deux tristes, inquiètes, échangèrent un regard alarmé lorsque le seigneur de Plouernel, entrant d’un air sombre dans la salle du plaid, s’assit sur son siège, l’un de ses fils à sa droite, l’autre à sa gauche, et dit à Garin-Mange-Vilain : — Baillif, appelle les causes. — Garin ne portait d’autre trace de la blessure que, la veille, il avait reçue de Perrine-la-Chèvre, qu’un emplâtre sur le front. Prenant un parchemin, il lut ce qui suit : — « Gerhard, fils de Hugh, mort le mois passé, succède à son père dans le fief de Heurte-Mont, relevant de la comté de Plouernel ; il vient acquitter le droit de relief et prêter foi et hommage à son suzerain. » — Alors, un homme jeune encore, coiffé d’un casque de cuir, portant au côté une longue épée, sortit du groupe des personnages venus pour le plaid, s’avança, tenant à la main une grosse