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joindre à eux pour violenter, larronner, torturer ses frères, ou souffrir ce qu’ils souffrent. Oui, telles sont les exécrables suites de la conquête franque, appelée par l’Église catholique ! Les seigneurs ont imposé la servitude, les prêtres ont prêché une résignation couarde, stupide, honteuse. Alors le peuple des Gaules, de plus en plus dégradé, abruti, est devenu lâche, égoïste, cruel, et aveuglé par la terreur, il se déchire de ses propres mains en se faisant le complice de ses bourreaux !

En outre des premiers domestiques de Neroweg VI assistant à ce plaid justicier, qui remplaçait le mâlh germanique des premiers temps de la conquête de Clovis, on voyait encore le prévôt, le baillif et le tabellion de la seigneurie ; ce dernier, assis sur un escabeau, ses parchemins sur ses genoux, son écritoire au côté, sa plume entre ses dents, attendait l’ouverture de la séance. Les premiers domestiques du comte, tous plus ou moins complètement armés, ressemblaient à des bandits. Respectueux et craintifs, ils se tenaient debout en demi-cercle derrière leur maître, seul assis ; il régnait entre eux et lui l’immense distance du vassal au suzerain. L’ingratitude, puis, plus tard, le farouche orgueil féodal avaient, depuis quatre ou cinq siècles, supprimé la classe intermédiaire des Leudes, qui, aux premiers temps de la conquête franque, vivaient en commun et en égaux avec leur chef, partageant sa table, ses grossiers plaisirs et ses violences, ainsi que cela se passait alors que les Neroweg étaient comtes au pays d’Auvergne ; mais à mesure que la conquête s’affermit, ces chefs ingrats, seuls bénéficiers titulaires des terres de la Gaule, choqués des habitudes d’égalité contractées par leurs anciens compagnons d’armes, dont l’aide leur devenait de moins en moins nécessaire, les évincèrent peu à peu de ces domaines, où chef et leudes avaient toujours vécu en commun. La descendance de ces obscurs guerriers francs, sacrifiés à l’orgueil et à la cupidité des bénéficiers, tomba bientôt dans la misère, et de la misère dans une servitude pareille à celle des Gaulois ; dès lors, Franks et Gaulois déshérités, les premiers