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Bezenecq ; d’abord, parce qu’il parlait sagement ; puis, on le savait riche, sa fille l’accompagnait, et il avait trop à perdre pour prendre une résolution imprudente. Ceux qui partageaient les appréhensions du moine Simon, réduite à un petit nombre, n’osant se séparer du gros de la troupe, se rallièrent à elle après un moment d’hésitation. Il en fut de même de Simon-le-Moine et de son confrère Yéromino, qui craignirent de marcher isolément. Harold-le-Normand, resté seul dans le carrefour, s’approcha du gibet, arracha les deux pieds et les deux mains d’un cadavre réduit à l’état de squelette, les mit dans son sac, comptant les vendre aux fidèles comme saintes reliques, et en tirer bon prix, puis il rejoignit les voyageurs, qui continuaient de suivre la route de la seigneurie de Plouernel.




Le château de Neroweg VI, sombre repaire, situé comme un nid d’oiseau de proie au faite d’une montagne escarpée, dominait le pays à plusieurs lieues à la ronde. L’un des hommes de guet postés dans les tourelles situées aux angles de la plate-forme du donjon, apercevait-il au loin une troupe de voyageurs ? il sonnait du cor, aussitôt la bande du comte pillarde et féroce sortait du manoir féodal, et non contents d’exiger le payement de droits de passage et de circulation, ces bandits pillaient les voyageurs, souvent même, en cas de résistance, ils les massacraient ou les retenaient en prison, puis les forçaient par la torture de payer rançon s’ils étaient riches. La surface de la Gaule était hérissée de pareils repaires, bâtis par les seigneurs franks, sous le règne des derniers descendants de Karl-le-Grand ; forteresses inexpugnables, du haut desquelles barons, comtes, marquis et duks bravaient l’autorité royale et désolaient le pays. L’histoire du comte de Plouernel est celle de tous ces seigneurs, issus de la race des premiers conquérants de la Gaule. En l’année 818, un Neroweg, second fils du chef de cette famille franque, si richement établie en Auvergne depuis Clovis, fut l’un des chefs de l’armée de Louis le