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du seigneur de Plouernel : prenons la moins longue de ces deux routes, nos dangers seront réduits de moitié.

— Oui... oui... — dirent plusieurs voix ; — ce digne homme a raison.

— Mes chers frères, prenez garde ! — s’écria Simon le moine ; — le seigneur de Plouernel est un monstre de férocité ; il s’adonne à la sorcellerie avec une magicienne, sa concubine... et, pour comble d’horreur, on dit qu’elle est juive !

— Au diable les Juifs ! — s’écria Harold-le-Normand, marchand de reliques. — Quoi ! il en reste encore ? Les Juifs n’ont-ils pas été tous pendus, brûlés, noyés, égorgés, écartelés, lors de la chasse qu’on leur a faite dans toutes les provinces, comme à des bêtes fauves ?

— Et depuis le supplice des hérétiques d’Orléans, qui périrent par le feu, — reprit le moine Yéronimo, — jamais extermination de bêtes immondes ne fut plus méritoire que celle de ces juifs maudits ! N’ont-ils pas poussé les Sarrasins de Palestine à détruire le temple de Salomon à Jérusalem ?

— Quoi ! cher frère, — dit un citadin, — les juifs de ce pays-ci auraient poussé de si loin à la destruction du temple de Jérusalem par les Sarrasins ?

— Oui, mes frères, car les abominables maléfices de ces juifs bravent le temps et l’espace... Mais patience ! viendra bientôt le jour où, par la volonté divine, ce ne seront plus des pèlerins isolés qui s’en iront gémir et prier à Jérusalem sur le tombeau de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; mais la chrétienté tout entière qui marchera en armes vers la terre sainte, pour exterminer les infidèles et délivrer de leur présence sacrilège le sépulcre du Sauveur du monde !

À ce moment, Bezenecq-le-Riche se rapprocha du groupe des voyageurs ; il apprit bientôt le motif de la discussion, et craignant surtout d’effrayer de nouveau sa fille, il dit : — M’est avis qu’il vaut mieux choisir la route la plus courte ; quant à vos alarmes, elles sont exagé-