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souterrains jusqu’à la tourelle qui s’élève au nord de la plate-forme.

— Cette tourelle... — reprit Jehanne en pâlissant, — cette tourelle d’où, la nuit, il sort parfois des lueurs étranges que l’on aperçoit de la plaine ?


—Oui ; car c’est là qu’Azenor-la-Pâle, la sorcière de Neroweg VI, prépare ses maléfices, — dit le carrier d’une voix sourde. — C’est dans cette tourelle que doit être Colombaïk... s’il vit encore ; c’est là que je l’irai chercher !

— Ah ! mon pauvre homme ! — murmura Jehanne, — je me sens mourir en pensant aux périls que tu vas braver !

— Jehanne, — dit soudain le serf en levant la main vers le ciel étoilé, que l’on apercevait à travers les débris de la toiture, — avant une heure la lune sera couchée ; je vais partir !

La femme du carrier, après un effort surhumain pour dompter sa terreur, dit d’une voix presque ferme : — Je ne te demande pas à t’accompagner, Fergan, je te gênerais... Je pense comme toi, il faut tout risquer pour retrouver notre enfant. Mais, si dans trois jours tu n’es pas de retour ?

— C’est que j’aurai trouvé la mort au château de Plouernel.

— Je ne te survivrai pas d’un jour... Maintenant, je dis comme toi, il faut partir. Et des armes ?

— J’ai mon pic de fer !

— Et du pain ?

— Il m’en reste dans mon bissac ; tu vas, bonne Jehanne, remplir d’eau ma gourde... ces provisions me suffiront. — Pendant que sa femme s’occupait de ce soin, le serf se munit d’une longue corde qu’il enroula autour de lui ; il emporta aussi dans son bissac un briquet, de l’amadou et une de ces mèches enduites de résine dont se servent les carriers pour s’éclairer dans leurs travaux souterrains. Ces préparatifs terminés, Fergan tendit silencieusement ses bras à sa femme ; la courageuse et douce créature s’y jeta, les deux époux prolongèrent durant quelques instants cette étreinte douloureuse