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tout de son long et à la renverse sur l’estrade (Z), tandis que Rolf, riant de son gros rire, s’écriait :

— Voilà comment le duk de Normandie et de Bretagne témoigne son respect au roi des Franks !

La joviale brutalité du pirate fut accueillie par les éclats de rire et les huées des North-mans. Les seigneurs franks et les prélats, loin de songer à venger l’outrage de leur roi, de qui Rolf venait d’épouser la fille, restèrent muets, immobiles, et souriant de la honte de Karl (AA). Gaëlo vit ce descendant de Karl, le grand empereur, chercher à se relever, pleurant d’humiliation et de douleur, car, dans sa chute, il s’était blessé à la tête... son sang coulait...




Eidiol, son fils, sa fille et Rustique-le-Gai, revenus de Rouen depuis deux jours, étaient réunis le soir dans leur pauvre maison de Paris. Plus que jamais ils s’apercevaient du vide que laissait au foyer domestique la mort de Marthe, la bonne ménagère. La rue est silencieuse, la nuit noire ; on frappe à la porte, Rustique-le-Gai va ouvrir, et voit entrer, portant des manteaux par-dessus leurs armures, Gaëlo et la belle Shigne. Le vieux nautonnier ne s’était pas rencontré avec les deux jeunes gens depuis la nuit où, ayant signifié au Comte de Paris les volontés de Rolf, ils étaient tous deux revenus attendre, dans la maison d’Eidiol, le retour du Comte Roth-bert, parti en hâte pour Compiègne, afin d’instruire Karl-le-Sot des ordres du pirate.

— Bon père, — dit Gaëlo à Eidiol, — nous venons, ma femme et moi, te faire nos adieux et t’apprendre une nouvelle qui réjouira ton cœur.

— Que veux-tu dire ?

— Je t’ai entendu déplorer la disparition de ta fille, la première née de tes enfants ; elle n’est pas morte... je l’ai vue...

— Ma fille ! — s’écria le vieillard avec stupeur en joignant les mains. — Quoi ! Jeanike vivrait ! tu l’as vue !