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royaient à cheval. La voilà donc cette race, impériale, royale et conquérante ! après avoir atteint le faite de sa gloire, de sa puissance dans la personne de Karl-le-Grand, la voici abaissée jusqu’à Karl-le-Sot ! et qui sait si elle ne se dégradera pas davantage encore d’âge en âge ! Mais pour tomber de si haut aussi bas, que lui est-il donc advenu à cette race, issue des maires du palais, dont le rude Karl-Marteau fut le modèle ? Ce qui lui est advenu, à cette race ? Voici en quelques lignes la honteuse histoire de la race de Karl-le-Grand, depuis 818 jusques en cette année-ci 912.

Le fils de Karl, Louis-le-Pieux le bien nommé, ce fervent catholique qui ravagea la Bretagne, défendue par Morvan et Vortigern, monta sur le trône en 811. A la mort de son père il avait quatre fils : Lothaire, Louis, Pepin et Bernard. Il garda pour lui une partie de la Germanie et de la Gaule et fit l’aîné de ses fils empereur d’Italie, le second, roi de Bavière, le troisième, roi d’Aquitaine ; Bernard n’eut rien en partage. Louis-le-Pieux, comme son père, le grand empereur, était d’un naturel fort amoureux. En 818, il se remaria et épousa Judith, fille du comte Wolp. La reine Judith, belle, jeune, dissolue, empoisonna la vie de Louis-le-Pieux, et ses fils portèrent incessamment contre lui leurs armes parricides. Bernard n’ayant point eu part ainsi que ses frères à la curée des royaumes, se révolte le premier contre son père ; celui-ci, après un combat sanglant, s’empare de son fils et lui fait crever les yeux. Bernard survit peu de temps à ce supplice, et les prêtres absolvent moyennant de riches dotations Louis-le-Pieux de son abominable cruauté. Il eut de la belle Judith un dernier fils, appelé plus tard Karl-le-Chauve, et lui octroya l’Allemanie, la Réthie et une partie de la Bourgogne démembrée des États de Lothaire, de Louis et de Pépin. Ceux ci, courroucés d’être ainsi dépossédés en faveur de leur jeune frère, marchent contre Louis-le-Pieux et le forcent de se retirer dans un couvent avec la Reine Judith ; mais bientôt après la guerre éclate entre les trois fils rebelles. Grâce à cette division, habilement exploitée par le moine Gombaud,