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— Le Comte de Paris m’a donc appris que les North-mans étaient devant la cité. Moi, je lui ai dit : « Que veux-tu que je fasse à cela ? » je n’ai point de soldats, point d’argent ; vous autres seigneurs, vous êtes maîtres de presque toute la Gaule, conquête de mes ancêtres, défendez vos possessions, ça vous regarde. » Sais-tu la réponse de cet audacieux Comte de Paris ?

— Non, mon père, — reprit Ghisèle d’une voix étouffée par les sanglots et la terreur insurmontable que lui causait l’approche des pirates.

— Roth-bert m’a répondu : « Les North-mans menacent de mettre Paris à feu et à sang, de ravager de nouveau la Gaule ; on ne peut leur résister. La plupart des vilains et des serfs, lorsqu’ils ne se joignent pas à ces démons pour piller, refusent de les combattre ; nos guerriers, à nous autres seigneurs, sont en trop petit nombre pour résister aux pirates ; il faut traiter avec eux. » Alors, tu conçois, ma petite Ghisèle, j’ai dit au Comte : « Eh bien, traite, c’est ton affaire, puisque ces païens assiègent ta cité de Paris et sont au cœur de ta duché de France. — Ainsi, ai-je fait, — m’a répondu Roth-bert. — j’ai traité en ton nom avec les envoyés de Rolf, le chef des North-mans. »

— Quoi ! mon père, il vit encore ! — murmura Ghisèle en joignant les mains avec horreur, — ce pirate souillé de tant de crimes, de tant de sacrilèges, ce monstre qui a causé la mort de ma mère ! il vit encore !

— Hélas ! oui, il vit encore pour notre désolation à tous deux, chère fille ; car ce damné Roth-bert, afin de sauver sa cité de Paris et sa duché de France des griffes de ce vieux brigand, a promis en mon nom que je lui abandonnerais la Neustrie... la Neustrie, la meilleure province qui me reste, et de plus...

Mais comme le roi hésitait à achever sa phrase, Ghisèle, essuyant ses larmes, lui dit presque machinalement : — Et de plus, qu’exige-t-on encore, mon père ?