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D’un autre côté, cette petite endiablée pourrait effaroucher notre agneau… Je me rappelle toujours la peur de Theudebert, à la vue de l’esclave aux yeux verts et aux cheveux crépus… Aussi je vous le répète, madame, ceci demande réflexion… D’ailleurs, rien ne presse… Sigebert est en Germanie avec le duk Warnachaire, maire du palais de Bourgogne.

— Ils peuvent être de retour d’un moment à l’autre… Je les attends…

— Quoi ! déjà ?

— Oui, peut-être arriveront-ils ici aujourd’hui ; aussi j’ai d’autant plus hâte d’acheter une esclave pour Sigebert, que je crains que pendant ce voyage en Germanie, Warnachaire n’ait pris une certaine influence sur Sigebert ; or, cette influence serait bientôt perdue au milieu du trouble et des curiosités du premier amour de cet enfant.

— Puisque vous vous défiez du duk, madame, pourquoi lui avoir confié Sigebert ?

— Excepté en toi, peut-être, en qui ai-je confiance ici ? Ne fallait-il pas faire accompagner Sigebert… La vue de cet enfant roi, d’une douce figure, aura intéressé les chefs de tribus germaines d’au delà du Rhin, dont ce Warnachaire est allé rechercher l’alliance… Leurs troupes doubleront mon armée… Oh ! dans cette guerre suprême, sans merci entre moi et Clotaire II… ce fils de Frédégonde sera écrasé… Il le faut… il le faut…

— Et cela sera, madame. Jusqu’ici vos ennemis ont toujours tombé sous vos coups… La mort du fils de Frédégonde couronnera l’œuvre… cependant ce duk Warnachaire m’inquiète… Tenez, madame… ces maires du palais qui ont, il y a quarante ou cinquante ans, sous le règne des fils du vieux Clotaire, commencé par être intendants des maisons royales… et qui, peu à peu, sont devenus gouvernants des peuples, ces maires du palais finiront par manger les rois si les rois ne les mangent point. Ces habiles