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filles de l’empereur qu’il chasse tantôt. Par Vénus ! la mère des amours te protège, mon jeune Breton.

Le jouvenceau rougit de nouveau, et il hésitait à répondre au Romain, lorsque Amael se retournant, l’appela et lui dit : — Viens, mon enfant, l’empereur veut s’appuyer sur ton bras pour descendre l’escalier.

Vortigern, de plus en plus troublé, s’approcha de Karl, qui disait à ses chambellans : — Non, personne ne m’accompagnera, sinon Eginhard et ces deux Bretons. — S’adressant alors au jouvenceau : — Ton bras me sera d’un meilleur appui que ma canne, cet escalier est rapide ; viens et marche prudemment.

L’empereur, appuyé sur le bras de Vortigern, descendit lentement les degrés d’un escalier qui aboutissait à l’un des portiques d’une cour intérieure ; là, Karl abandonna le bras du jeune Breton et lui dit en reprenant sa canne : — Tu as marché fort sagement, tu es un bon guide. Quel dommage que tu ne saches pas chanter au lutrin ! — Ce disant, Karl suivit une galerie qui longeait la cour ; les personnes dont il était accompagné marchaient à quelques pas derrière lui. Bientôt il aperçut, en dehors de la galerie, un esclave qui traversait la cour et portait sur ses épaules un grand panier : — Eh ! là bas ! — lui cria l’empereur de sa voix perçante, — l’homme au panier ! approche ! Qu’as-tu dans ce panier ?

— Des œufs, seigneur.

— Où les portes-tu ?

— Aux cuisines de l’auguste empereur.

— D’où viennent-ils, ces œufs-là ?

— De la métairie de Mulsheim, seigneur.

— De la métairie de Mulsheim ? — répéta l’empereur en réfléchissant, et il ajouta presque aussitôt : — il doit y avoir trois cent vingt-cinq œufs dans ce panier ?

— Oui, seigneur ; c’est la redevance que chaque mois l’on apporte de la ferme.