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périr. Notre atelier étant l’endroit le plus voisin, je l’ai amenée ici, elle pouvait à peine se soutenir… Mais, hélas ! — ajouta la Coliberte en pleurant de nouveau et regardant les traits inanimés de Rosen-Aër, car c’était la mère de Berthoald que Septimine venait de sauver, — j’aurai seulement retardé sa mort ! Voyez sa pâleur…

— Ne te désespère pas, — reprit le vieillard, — de moment en moment ses mains se réchauffent… Approchons-la davantage de la forge, le feu la ranimera.

En effet, grâce à l’activité des apprentis, non moins apitoyés que Septimine et le vieillard, Rosen-Aër, assise sur un escabeau, fut rapprochée du foyer. Peu à peu elle ressentit la salutaire influence de cette chaleur pénétrante, reprit lentement ses esprits, revint enfin tout à fait à elle, et rassemblant ses souvenirs, elle tendit ses bras à Septimine en disant d’une voix faible : — Chère enfant, tu m’as sauvée !

La Coliberte se jeta au cou de Rosen-Aër en versant de douces larmes, et reprit : — Nous avons fait ce que nous avons pu ; nous sommes de pauvres esclaves…

— Hélas ! mon enfant, je suis esclave comme vous, amenée en ce pays du fond du Languedoc. Nous avions passé la nuit sur la chaussée qui sépare les deux étangs, dont ce monastère est entouré, l’on avait dételé les bœufs des chariots, lorsqu’au point du jour l’inondation nous a surpris, et… — Mais Rosen-Aër s’interrompit, se dressa de toute sa hauteur, son visage exprima d’abord la stupeur ; puis une sorte de joie délirante, elle se précipita vers la fenêtre ouverte, et passa ses bras à travers les épais barreaux, en s’écriant : — Mon fils ! mon fils Amael !…

Septimine et Bonaïk crurent un moment cette infortunée privée de sa raison ; mais lorsqu’ils se furent approché de la fenêtre vers laquelle Rosen-Aër s’était précipitée, la jeune fille s’écria en joignant les mains : — Le chef frank ! lui ! dans un des souterrains de l’abbaye !…