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d’une sévérité de mœurs, d’ailleurs assez rare à son âge… Mais, par le courroux des dieux ! moi, qui n’ai pas quitté Victorin depuis son enfance, je nie que l’ivresse soit chez lui une habitude ; je nie surtout qu’il ait jamais été assez lâche pour violenter une femme !…

– Ton bon cœur te fait défendre le fils de ta sœur de lait, Scanvoch, quoique tu le saches coupable, à moins que tu nies ce que tu ignores…

– Qu’est-ce que j’ignore ?

– Une aventure que chacun sait dans le camp.

– Quelle aventure ? Dis-la…

– Il y a quelque temps, Victorin et plusieurs officiers de l’armée ont été boire et se divertir dans une des îles des bords du Rhin où se trouve une taverne… Le soir venu, Victorin, ivre comme d’habitude, a fait violence à l’hôtesse ; celle-ci, dans son désespoir, s’est jetée dans le fleuve… où elle s’est noyée…

– Un soldat qui se conduirait ainsi sous un chef sévère, — dit un des rameurs, — porterait sa tête sur le billot…

– Et ce supplice, il l’aurait mérité, — ajouta un autre rameur ; — j’aimerais, comme un autre, à rire avec mon hôtesse ; mais lui faire violence, c’est une sauvagerie digne de ces écorcheurs franks dont les prêtresses, cuisinières du diable, font bouillir nos prisonniers dans leur chaudière.

J’étais resté si stupéfait de l’accusation portée contre Victorin, que, pendant un moment, j’avais gardé le silence ; mais je m’écriai :

– Mensonge !… mensonge aussi infâme que l’eût été une pareille conduite ! Qui ose accuser le fils de Victorin d’un tel crime ?

– Un homme bien informé, — me répondit Douarnek.

– Son nom ? le nom de ce menteur ?

– Il s’appelle Morix ; il était le secrétaire d’un parent de Victoria, venu au camp il y a un mois.

– Ce parent est Tétrik, gouverneur de Gascogne, dis-je stupé-