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— Moi, le porte-sceptre.

— Moi, le porte-manteau impérial….

Et au milieu des huées, des railleries grossières, ces Romains formèrent une espèce de cortège dérisoire : le porte-couronne s’avançait le premier, tenant la couronne d’épines d’un air solennel, et suivi d’un certain nombre de soldats, venait ensuite le porte-sceptre, puis d’autres soldats ; puis enfin celui qui tenait le manteau, et tous chantaient en chœur :

— Salut au roi des Juifs !

— Salut au Messie !

— Salut au fils de Dieu !

— Salut au César des poltrons, salut !

Jésus, assis sur son banc, regardait les préparatifs de cette cérémonie insultante avec une inaltérable placidité ; le porte-couronne, s’étant approché le premier, leva la tresse épineuse au-dessus de la tête du jeune homme de Nazareth, et lui dit :

— Je te couronne, ô roi[1] !

Et le Romain enfonça si brutalement cette couronne sur la tête de Jésus, que les épines lui déchirèrent le front ; de grosses gouttes de sang coulèrent comme des larmes sanglantes sur le pâle visage de la victime ; mais, sauf le premier tressaillement involontaire causé par la douleur, les traits du jeune maître reprirent leur mansuétude ordinaire et ne trahirent ni ressentiment ni courroux.

— Et moi, je te revêts de la pourpre impériale, ô roi ! — ajouta un autre Romain pendant qu’un de ses compagnons arrachait la tunique que l’on avait rejetée sur le dos de Jésus. Sans doute la laine de ce vêtement s’était déjà collée à la chair vive, car, au moment où il fut violemment arraché des épaules de Jésus, il poussa un grand cri de douleur, mais ce fut tout, il se laissa patiemment revêtir du manteau rouge.

  1. Pour toute cette scène où le burlesque le dispute à l’horrible, voir Évangile selon saint Matthieu, ch. XVIII, v. 28, 29, 30, etc., etc.