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Le seigneur Ponce-Pilate semblait continuer presque malgré lui cet interrogatoire ; il dit avec impatience au docteur Baruch en désignant Jésus du geste :

« — De quoi accusez-vous cet homme ? »

Le docteur de la loi répondit à haute voix :

« — Cet homme soulève le peuple par la doctrine qu’il enseigne dans toute la Judée, depuis la Galilée, où il a commencé, jusqu’ici[1]. »

À cette accusation, Geneviève entendit l’un des émissaires dire à demi-voix à son compagnon :

— Le docteur Baruch est un fin renard ; par cette accusation de sédition, il va forcer le gouverneur à condamner le Nazaréen.

Ponce-Pilate ayant fait signe à Jésus de s’approcher, ils échangèrent entre eux quelques paroles ; à chaque réponse du jeune maître de Nazareth, toujours calme et digne, Ponce-Pilate semblait de plus en plus convaincu de son innocence ; il reprit à haute voix, s’adressant aux princes des prêtres et aux docteurs de la loi :

« — Vous m’avez présenté cet homme comme poussant le peuple à la révolte ; néanmoins, l’ayant interrogé en votre présence, je ne le trouve coupable d’aucun des crimes dont vous l’accusez. Je ne le juge pas digne de la mort… je m’en vais donc le renvoyer, après l’avoir fait châtier[2]. »

Et Ponce-Pilate, étouffant un dernier bâillement, fit signe à un de ses serviteurs qui partit en courant.

La foule, non satisfaite de l’arrêt de Ponce-Pilate, murmura d’abord, puis se plaignit tout haut.

— Ce n’est pas pour faire châtier le Nazaréen qu’on l’a conduit ici, — disaient les uns, — mais pour le faire condamner à mort…

— Après son châtiment, il recommencera ses séditions et à soulever le peuple…

  1. Évangile selon saint Luc, ch. XXIII, v. 6.
  2. Évangile selon saint Luc, ch. XXIII, v. 16, 17.